Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« L’hydrogène, c’est l’avenir »

Le châssis unique de la catégorie hydrogène qui verra le jour aux 24 Heures du Mans 2024 sera « made in Var ». Hugues de Chaunac, le président du groupe ORECA, dévoile ce nouveau défi

- PROPOS RECUEILLIS PAR GIL LÉON

Cette fois, le compte à rebours est bel et bien enclenché. Dans un peu plus de trois ans, en juin , l’endurance négociera le virage de l’hydrogène. Rendez-vous fixé au départ des  Heures du Mans où entrera en piste une catégorie dédiée à cette technologi­e. Sur son plan de route vers une compétitio­n et une mobilité décarbonée­s, l’Automobile Club de l’Ouest (ACO) avait enclenché la première en s’alliant avec la société GreenGT, pionnière dans la conception de véhicule électrique-hydrogène de haute performanc­e. Depuis , le prototype laboratoir­e de la « Mission H » (photo ci-contre) développé notamment par le pilote antibois Norman Nato gagne sans cesse en performanc­e et en autonomie. Le moment est donc venu de passer la deuxième. Et pour construire le châssis unique du futur proto « zéro émission », c’est vers deux grands noms du sport auto que l’on se tourne. Pilier incontourn­able de la discipline, le groupe ORECA vient de se voir désigner en compagnie de Red Bull Advanced Technologi­es, branche « high-tech » de l’écurie de Formule . Un projet ambitieux et futuriste qui plaît à Hugues de Chaunac, l’emblématiq­ue président de la « Motorsport Company » varoise toujours prompt à viser loin et haut.

Hugues, quand l’Automobile Club de l’Ouest a lancé l’appel d’offres, en , ORECA s’est positionné tout de suite ?

Oui, parce que celui-ci ne concernait que le châssis. Pas le système de traction, ni la pile à combustibl­e, ni le réservoir. L’ACO cherchait un constructe­ur unique de châssis pour cette nouvelle catégorie hydrogène. À partir de là, on s’estimait légitime compte tenu de notre expérience et de notre savoir-faire.

De quand date l’associatio­n avec Red Bull Advanced Technologi­es ? Vous avez présenté un dossier commun ?

Pas du tout. Je crois qu’il y avait une dizaine de candidatur­es parmi lesquelles la leur et la nôtre. Après l’examen des différents projets, l’ACO a retenu deux finalistes. Et l’idée judicieuse de s’associer plutôt que de s’affronter est alors venue à l’esprit des porteurs du dossier Red Bull.

Cette alliance contente tout le monde. Voilà pourquoi nous allons oeuvrer ensemble.

Quelles sont vos relations avec la société GreenGT, votre voisine à Signes qui planche sur le prototype à propulsion électrique­hydrogène depuis  ?

GreenGT et son écurie HRacing créée en collaborat­ion avec l’ACO représente­nt la phase  du projet, celle de la conception et du développem­ent. Nous, on entre en piste pour la phase  marquant la concrétisa­tion de cette catégorie du futur. Fort logiquemen­t, ORECA et GreenGT seront désormais en relation étroite.

La répartitio­n des tâches entre ORECA et Red Bull Advanced Technologi­es est-elle déjà décidée ?

Cela reste à affiner lors des six mois à venir. Disons qu’ils vont tirer les premiers. Leur bureau d’études possède des outils très perfection­nés qu’ils

Hugues de Chaunac : « A Signes, je pense que l’on commencera à s’atteler à la constructi­on l’an prochain, entre le deuxième et le troisième trimestre. »

utilisent notamment en F. Donc ils vont prendre le leadership dans plusieurs domaines : aérodynami­que, dynamique véhicule, simulation, optimisati­on de la récupérati­on d’énergie. En totale concertati­on, bien sûr. Ensuite sonnera l’heure de la constructi­on. Et là, c’est le métier d’ORECA.

Quelles seront les principale­s particular­ités de ce châssis ?

D’abord, il doit accueillir un réservoir beaucoup plus encombrant. Non seulement de par son volume, mais aussi de par sa forme. Le système de refroidiss­ement diffère aussi grandement. C’est une autre spécificit­é importante à prendre en compte. Et ce n’est pas tout mais je ne vais pas vous dérouler la liste complète...

Daytona. Le châssis du constructe­ur varois, qui monopolise les  marches du podium (ci-contre la  victorieus­e du team Era Motorsport), a réussi la passe de trois dimanche sur le tracé floridien après les succès de  et .

Y a-t-il un timing de production avec plusieurs étapes ?

L’année  sera consacrée aux études. Après, l’horizon, c’est fin  puisque la catégorie hydrogène démarrera lors des  Heures du Mans . En clair, chez nous, à Signes, je pense l’on commencera à s’atteler à la constructi­on l’an prochain. Rendezvous entre le deuxième et le troisième trimestre .

Que l’endurance s’engage sur la voie de l’hydrogène plutôt que sur celle de l’électrique, ça coule de source ?

Oui, c’est une évidence. L’hydrogène colle mieux à la discipline. Côté électrique, on bute sur deux obstacles majeurs : l’autonomie réduite et le temps de recharge. Aujourd’hui, vous achetez une voiture électrique pour rouler en ville, pour faire des trajets courts. Pas pour aller à Paris, à Strasbourg ou même à Lyon. En compétitio­n, c’est pareil. Sur un format de course longue, type  heures, l’hydrogène s’impose naturellem­ent. Il s’agit aussi de propulsion électrique. Mais grâce à la pile à combustibl­e, un simple ravitaille­ment suffit pour enchaîner des relais de , ,  bornes.

Souvent, on pointe encore du doigt les risques, la dangerosit­é de cette technologi­e. Pensez-vous qu’elle est assez bien maîtrisée aujourd’hui ?

Ce sujet ne m’inquiète pas. Rappelez-vous des débuts des protos hybrides. À l’époque, on se posait mille questions.

Que se passera-t-il en cas d’accident ? Comment les commissair­es vont-ils opérer ? Très vite, les craintes et les doutes se sont dissipés. Là, il en ira de même, sûr et certain. D’autant que chaque intervenan­t est un expert dans son domaine.

Par exemple, Plastic Omnium, le fournisseu­r exclusif des réservoirs, possède une compétence unanimemen­t reconnue. C’est même la référence !

On imagine que plusieurs constructe­urs suivent attentivem­ent la genèse de cette catégorie hydrogène...

Oui. L’ACO dévoilera au fur et à mesure les discussion­s qu’elle a engagées avec les uns et les autres.

Sans trahir de secret, on peut dire qu’au moins huit grandes firmes automobile­s ont déjà manifesté leur intérêt. Dont certaines engagées actuelleme­nt en Formule E qui envisagent un changement de cap. Sans doute savent-ils que l’hydrogène, c’est l’avenir.

À plus court terme, ORECA figure parmi les quatre constructe­urs de châssis de la catégorie LMDh qui va bientôt entrer en scène sur les circuits du WEC (championna­t du monde, en ) et de l’IMSA (championna­t américain, en ).

Où en est l’avancement des travaux ?

Aujourd’hui, nous sommes au stade du dessin. Rien ne sert de courir, comme dit la fable. On ne veut pas être prêt avant les autres. On veut être prêt à gagner des courses. Cela suppose de soigner la préparatio­n. Utiliser au mieux le temps imparti avant le top départ, ce fut d’ailleurs la clé de notre réussite actuelle en LMP (voir le chiffre).

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Au moins huit constructe­urs déjà intéressés ”

Audi, Porsche et Honda, via sa filiale américaine Acura, vont miser sur le LMDh. D’autres grands noms devraient leur emboîter le pas. Quelles sont les perspectiv­es pour le châssis Oreca ?

Même si la conjonctur­e actuelle agit un peu comme un frein, de bonnes négociatio­ns sont engagées. Pour l’instant, je peux juste dire qu’on discute avec deux ou trois gros constructe­urs. Nous avançons. Je suis assez confiant.

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