Joëlle Salquero : « J’ai l’impression d’avoir abandonné mon père »
Trois mois après le décès de son papa, Lucien, de la Covid, Joëlle Salquero éprouve toujours le même sentiment de culpabilité. Lucien âgé de 92 ans, vivait à Garéoult. « J’ai l’impression d’avoir abandonné mon père. Je n’ai pas pu le voir, durant son hospitalisation à l’hôpital Sainte-Musse de Toulon. Et d’après moi, il a dû aussi se sentir abandonné. Il disait toujours “si je rentre à l’hôpital, je n’en ressors pas.” » Lucien avait de lourdes pathologies, notamment des dialyses trois fois par semaine et des problèmes cardiaques. Ce sont ces derniers qui l’ont conduit dans une clinique des Bouches-du-Rhône. « Il fallait lui changer la pile de son pacemaker. J’ai hésité, mais son appareil était en mode secours. On n’avait pas le choix. » Le papa de Joëlle Salquero fait le test de dépistage de la Covid avant de rentrer en clinique. Il est négatif. « Quand il est ressorti, il était positif. Je pense que c’est là, qu’il l’a attrapé. Ma mère et moi avons fait le test à notre tour et on était positives toutes les deux. Elle a été fatiguée pendant trois semaines et moi, j’étais asymptomatique. » Ascension, la maman, âgée de 88 ans se rétablira doucement. Quelques jours après son retour à la maison, Lucien a des problèmes de respiration. Il a de la fièvre. Il est alors hospitalisé à SainteMusse le dimanche 1er novembre. « Je n’ai pas pu aller le voir. Je téléphonais à l’infirmière tous les matins. Elle me disait qu’il était très fatigué, qu’il ne mangeait pas et ne parlait pas. En fait, il dormait tout le temps. Le vendredi matin, elle m’a dit qu’il avait un peu déjeuné ». Mais vers 11 heures, le médecin l’appelle et lui annonce le décès de son père. « Il m’a dit gentiment que mon papa s’était endormi et ne s’était pas réveillé. Plusieurs fois je me suis demandé s’il avait souffert. Mais son visage était reposé. Une infirmière l’avait changé. Il était prêt à partir à la morgue. Je savais qu’après, je ne le verrai plus. Il a été mis dans une housse et c’était fini. Les défunts sont des statistiques, des numéros. On se dit où est-ce qu’on va avec ce virus .» Ascension et Lucien, s’étaient mariés en 1952. Après 68 ans de mariage, ils n’ont même pas pu se dire au revoir.