Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Des arbres, des mains et puis des paniers

Alain Brezzo est l’un des seuls en France à pratiquer la vannerie sauvage. Rencontre en Vésubie.

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

Si vous cherchez Alain Brezzo, ce n’est pas dans un atelier qu’il faut fouiner. Son espace de travail à lui, c’est le grand air. La nature. La vallée de la Vésubie. « J’ai toujours travaillé dehors, depuis mon premier boulot de tailleur de pierre. J’avais 14 ans », explique-t-il. Après une petite heure sur la route temporaire qui pallie les ravages de la tempête Alex, c’est donc sous le soleil d’hiver que je retrouve Alain. Ce retraité de 74 ans s’installe aux quatre vents pour fabriquer ses paniers. « C’est de la vannerie sauvage. Tout provient de la nature, je n’achète rien. » Quatre bouts de bois, un Opinel ou deux, deux sécateurs et un marteau... De cet inventaire à la Prévert, Alain Brezzo en sort un panier.

Local et rustique

Pas vaniteux pour deux sous, il prévient : « Ce n’est pas raffiné comme un panier en osier. Il faut bien se mettre dans la tête que c’est du rustique. »

Les paniers d’Alain, c’est un peu la version Davy Crockett du panier de la ménagère. On n’est pas dans la finesse de la jeune tige de saule. Lui, c’est du bois qu’il travaille. « Je vais un peu partout pour récupérer les tiges de châtaignie­r et de noisetier. On prend surtout les rejets, qu’ils soient gros ou petits. Le châtaignie­r me sert à faire la structure. Le noisetier, je l’utilise pour tresser. » Des essences qu’il a choisies parce qu’elles sont fibreuses et souples. Mais mèfi : « Pour le noisetier, il faut toujours prendre les branches qui ont poussé à l’ombre. Sinon ça casse. » Après la récolte, notre vannier ascendant trappeur met les branches à tremper. Dans son atelier sans mur et sans toit, des tonneaux et des bidons accueillen­t des branches cueillies il y a plusieurs mois. « Je fais tremper le bois deux jours, trois semaines, six mois, au gré des besoins. Quand j’en ramasse, c’est pour faire plusieurs paniers. Quand ça a bien trempé, il est souple. »

Alors, il glisse la lame de son Opinel dans la branche. Il bascule la lame pour écarter les fibres et, de ses épaisses mains tannées, il sépare les deux moitiés de la branche de châtaignie­rs. Il saisit une moitié, forme un U et y passe une ficelle pour garder la forme. « Il est souple tant qu’il est humide. Après, une fois qu’il est sec, il a pris la forme. Si j’ai besoin de le retravaill­er, je le mets à tremper une nuit. »

Bien organisé, l’anse juste mise en fabricatio­n vient remplacer une autre, qui va structurer le panier. Le fond du panier, c’est tout du châtaignie­r tressé. Un coup dessus, un coup dessous, en alternance, de façon à former un solide quadrillag­e.

Parfois, à la manipulati­on, certaines lattes craquent. « Ce n’est rien ça, ce sont les premières fibres. » Il montre : il a raison, la latte n’est pas vraiment cassée.

Partage de savoir-faire

Puis vient l’étape du tressage. Toujours avec son Opinel, il entaille des branches de noisetier qu’il vient tordre sur son genou. À mesure que la tige est malmenée, une fine lamelle se détache. Il en faudra quelques-unes pour monter le panier, en les entrelaçan­t autour de la structure. Petit à petit, alors que la lumière du soleil devient de plus en plus rasante, le panier naît sous ses doigts crevassés par le travail. Pour qui donc est ce panier ? Il ne le sait pas encore. Car, qu’on se le dise : « Je ne prends aucune commande, je fais comme je veux. Je refuse que ce soit une contrainte. » Pour lui, c’est une occupation. Une façon saine et utile de se retrouver au coeur de ces montagnes qui ont bercé son enfance. Et d’occuper sa retraite.

Ce passe-temps, c’est là qu’il l’a appris. « J’ai appris avec un vieux monsieur. Il faisait de l’élevage, des légumes... il ne faisait que de l’utile. Les paniers, il ne les fabriquait que l’automne et l’hiver, mais en intérieur. J’allais ramasser le bois avec lui et, à force de le voir, j’ai décidé que j’allais m’y mettre. » C’était il y a vingt-cinq ans. Aujourd’hui, c’est lui qui transmet. Il accueille des stagiaires que l’Oseraie des Possibles, l’associatio­n dont il fait partie, lui envoie. « Il y a des gens qui viennent par curiosité. D’autres qui sont déjà vanniers. Ils viennent de la région, de Savoie, de Vendée. De la France entière en fait. »

Tandis que le soleil se cache derrière les arbres et que l’air devient plus frais, il tresse les tiges jaunes de cornouille­r pour finir le panier. Pour faire un panier, il lui faut une demijourné­e de confection, hors cueillette et préparatio­n. Un savoir-faire qu’il montre habituelle­ment sur le marché de Roquebilli­ère, qui reprendra en avril, et sur le marché solidaire de Cagnessur-Mer, le 20 février prochain.

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Tout provient de la nature”

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Je ne prends pas de commande. Je refuse que ce soit une contrainte”

Après la tempête Alex, les vallées se sont retrouvées démunies, en proie à de nombreuses difficulté­s. Alors, la commune de Cagnes-sur-Mer a décidé d’organiser, en décembre dernier, un marché solidaire. Le principe est simple : offrir aux producteur­s de la Vésubie, de la Tinée et de la Roya, un espace pour reprendre la commercial­isation de leurs produits. Le coeur des Azuréens a été conquis : c’est un succès fulgurant. Certains commerçant­s ont dû replier leurs stands avant midi, dévalisés par les Maralpins en quête d’authentici­té et solidaires de leurs difficulté­s. Le rendez-vous a été renouvelé en janvier, avec un succès similaire. Il semblait donc évident qu’une troisième édition était nécessaire. Elle se tiendra le  février prochain, sur la place de -Novembre. Le vannier Alain Brezzo y sera, et il réalisera un panier sur place. Plus pour participer à l’animation que pour le chiffre d’affaires puisqu’il n’aura que quelques paniers à vendre.

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