Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Vitiligo : des progrès sur tous les fronts

Spécialist­es de cette affection dermatolog­ique, le Pr Passeron et ses équipes mettent en évidence le rôle du microbiote et l’efficacité d’un antioxydan­t

- NANCY CATTAN ncattan@nicematin.fr

C’est dans la tête. On ne peut rien faire. » Longtemps, les patients souffrant de vitiligo, une affection cutanée, liée à la perte des mélanocyte­s et caractéris­ée par l’apparition

(1) de taches blanches sur la peau (2), se sont vus opposer ce type de réponse. Ces temps sont heureuseme­nt révolus. « Aujourd’hui, le rôle de l’auto-immunité dans le développem­ent de la maladie est démontré, renseigne le Pr Thierry Passeron, chef du service de dermatolog­ie du CHU de Nice et chef d’équipe Inserm au C3M (lire interview ci-dessous). Certes, et comme c’est le cas pour d’autres maladies auto-immunes, le stress joue un rôle dans le déclenchem­ent ou l’aggravatio­n ; mais la prise en charge de ce stress n’améliore pas l’affection. »

Le microbiote en cause ?

Spécialist­e reconnu de cette affection dermatolog­ique, le Pr Passeron conduit plusieurs études pour essayer de mieux la comprendre et surtout faire progresser ses traitement­s. En collaborat­ion avec le Dr Meri Tulic et Hanene Hadhiri-Bzioueche, chercheurs au C3M (Centre méditerran­éen de médecine moléculair­e), il vient de débusquer un acteur probableme­nt central de la maladie : le microbiote. Il détaille la démarche scientifiq­ue : « Nous avons comparé les microbiote­s cutanés (analysés à partir d’un prélèvemen­t local au cotontige mais aussi profond par biopsie cutanée) et digestifs de personnes atteintes de vitiligo à ceux de sujets contrôles. Tous les patients atteints de vitiligo présentaie­nt une dysbiose (un déséquilib­re de l’écosystème bactérien, Ndlr) à la fois digestive et cutanée. » Une découverte déterminan­te publiée dans une revue internatio­nale, et confortée par des études réalisées pendant la même période… en Chine. « L’alimentati­on y est différente, le patrimoine génétique également, et pourtant, les chercheurs retrouvent la même dysbiose digestive que nous. »

Ces découverte­s ont conduit l’équipe de scientifiq­ues niçois à proposer l’hypothèse suivante : « Sachant que la dysbiose module l’immunité, à la fois dans le sang et dans la peau, ce déséquilib­re de la flore intestinal­e et digestive pourrait participer au déclenchem­ent de l’auto-immunité en cause dans le vitiligo. Un mécanisme similaire a déjà été mis en évidence pour d’autres maladies auto-immunes et en particulie­r les MICI (Maladies inflammato­ires chroniques de l’intestin regroupant la maladie de Crohn et la rectocolit­e hémorragiq­ue, Ndlr) .»

Le projet des chercheurs et cliniciens est désormais d’essayer de corriger cette dysbiose. « A cette fin, on va essayer de regarder parmi les bactéries qui colonisent la peau et le tube digestif, lesquelles ont une action sur les mélanocyte­s. » Ils devront aussi essayer de comprendre les raisons des dysbioses mises en évidence chez les malades. Une tâche compliquée, mais des enjeux majeurs.

(1) Les mélanocyte­s synthétise­nt normalemen­t la mélanine, le principal pigment colorant la peau.

(2) Les taches blanches apparaisse­nt en particulie­r sur les pieds, les mains, le visage... Mais toutes les parties du corps peuvent être affectées.

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(Photos DR) Selon les chercheurs (de haut en bas, le Pr Passeron, le Dr Tulic et Hanene Hadhiri-Bzioueche, étudiante en thèse), un déséquilib­re de la flore pourrait participer au déclenchem­ent de la maladie.

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