Vitiligo : des progrès sur tous les fronts
Spécialistes de cette affection dermatologique, le Pr Passeron et ses équipes mettent en évidence le rôle du microbiote et l’efficacité d’un antioxydant
C’est dans la tête. On ne peut rien faire. » Longtemps, les patients souffrant de vitiligo, une affection cutanée, liée à la perte des mélanocytes et caractérisée par l’apparition
(1) de taches blanches sur la peau (2), se sont vus opposer ce type de réponse. Ces temps sont heureusement révolus. « Aujourd’hui, le rôle de l’auto-immunité dans le développement de la maladie est démontré, renseigne le Pr Thierry Passeron, chef du service de dermatologie du CHU de Nice et chef d’équipe Inserm au C3M (lire interview ci-dessous). Certes, et comme c’est le cas pour d’autres maladies auto-immunes, le stress joue un rôle dans le déclenchement ou l’aggravation ; mais la prise en charge de ce stress n’améliore pas l’affection. »
Le microbiote en cause ?
Spécialiste reconnu de cette affection dermatologique, le Pr Passeron conduit plusieurs études pour essayer de mieux la comprendre et surtout faire progresser ses traitements. En collaboration avec le Dr Meri Tulic et Hanene Hadhiri-Bzioueche, chercheurs au C3M (Centre méditerranéen de médecine moléculaire), il vient de débusquer un acteur probablement central de la maladie : le microbiote. Il détaille la démarche scientifique : « Nous avons comparé les microbiotes cutanés (analysés à partir d’un prélèvement local au cotontige mais aussi profond par biopsie cutanée) et digestifs de personnes atteintes de vitiligo à ceux de sujets contrôles. Tous les patients atteints de vitiligo présentaient une dysbiose (un déséquilibre de l’écosystème bactérien, Ndlr) à la fois digestive et cutanée. » Une découverte déterminante publiée dans une revue internationale, et confortée par des études réalisées pendant la même période… en Chine. « L’alimentation y est différente, le patrimoine génétique également, et pourtant, les chercheurs retrouvent la même dysbiose digestive que nous. »
Ces découvertes ont conduit l’équipe de scientifiques niçois à proposer l’hypothèse suivante : « Sachant que la dysbiose module l’immunité, à la fois dans le sang et dans la peau, ce déséquilibre de la flore intestinale et digestive pourrait participer au déclenchement de l’auto-immunité en cause dans le vitiligo. Un mécanisme similaire a déjà été mis en évidence pour d’autres maladies auto-immunes et en particulier les MICI (Maladies inflammatoires chroniques de l’intestin regroupant la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, Ndlr) .»
Le projet des chercheurs et cliniciens est désormais d’essayer de corriger cette dysbiose. « A cette fin, on va essayer de regarder parmi les bactéries qui colonisent la peau et le tube digestif, lesquelles ont une action sur les mélanocytes. » Ils devront aussi essayer de comprendre les raisons des dysbioses mises en évidence chez les malades. Une tâche compliquée, mais des enjeux majeurs.
(1) Les mélanocytes synthétisent normalement la mélanine, le principal pigment colorant la peau.
(2) Les taches blanches apparaissent en particulier sur les pieds, les mains, le visage... Mais toutes les parties du corps peuvent être affectées.