Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Sandrine, maraîchère et responsabl­e

Sandrine Mezzanotti cultive au naturel, à Nice, des fruits et légumes qu’elle vend au marché de La Libé.

- LUDOVIC MERCIER lmercier@nicematin.fr

Quelque part sur les collines niçoises, dans le coin de Pessicart, une maraîchère à chapeau crapahute de serres en serres.

Sur ce terrain escarpé, Sandrine Mezzanotti occupe 5 000 m2 de terres. À côté de son frère. La terre, chez eux, c’est une histoire de famille. C’est le père qui a commencé, après avoir été métayer, et qui a acheté cette terre en 1960.

« À l’époque, il n’y avait rien ici. Même pas l’autoroute, » confie le patriarche. L’A8 qui passe sous leur terrain sera inaugurée en 1976. Aujourd’hui, tout autour de chez eux, les villas et les résidences ont poussé comme les plants de fève que cultive Sandrine. Des fèves, dont elle me tend une feuille : « Goûtez, c’est très bon ! Il faut prendre le haut des tiges, les feuilles tendres. Il y a plein de plantes qui sont comestible­s mais que l’on ignore. Ces feuilles, avec des pommes de terre et de la crème fraîche, ça fait une excellente soupe. » Elle qui ne se destinait pas à l’agricultur­e, ne changerait de travail pour rien au monde. «Ma mère était sûre que je ne ferais jamais ça.

J’ai travaillé dans une cafétéria mais j’étais trop indépendan­te. Mon père voulait toujours que j’aille à la terre. Mais moi je ne voulais pas. Je voulais être plus forte que papa. Alors j’allais travailler à Antibes, mais je ne gagnais presque rien. Ensuite j’ai voulu être commercial­e. Mais là aussi, ça n’allait pas. »

Jamais de vacances

Alors elle essaie de retourner, de mauvaise grâce à son ancien job, bien décidée à leur demander de la reprendre. C’était sans compter sur les caprices de la vie : « Je me suis évanouie dans le bureau. Quand je suis rentrée à la maison, mon père m’a dit à nouveau de venir travailler avec lui. J’ai dit “OK, mais d’abord un mois à l’essai”. C’était en 1995. »

À ce moment-là, tout est devenu évident : elle allait elle aussi travailler la terre. « La terre, elle te prend et elle ne te lâche plus. Elle, elle n’a pas de repos. Tu ne peux pas l’abandonner. Jamais. Si toi tu vas vadrouille­r, elle, elle avance. Elle vit sa vie. » Alors Sandrine ne prend presque jamais de vacances. Est-ce que c’est un problème ? « J’ai tellement peu l’habitude de prendre des vacances et de promener... dès que je pars, même une demi-journée, j’ai l’impression d’être en vacances. »

Ses journées commencent à 5 h 30. En ce moment, elle travaille sur ses fèves, ses navets, ses radis, son mesclun, entre deux planches de lys ou de renoncules. Jusqu’à 19 heures. « Moi ce que j’aime, c’est produire plein de choses. Mon père ne faisait que des oeillets. J’étais trop traumatisé­e de voir les serres pleines d’oeillets à perte de vue. On faisait tout le temps les mêmes gestes. Moi je déteste la routine. Mais c’est plus complexe, on ne réussit pas tout. Les fraises, par exemple, c’est difficile. »

Bourdons et punaises

On sent qu’elle est dans son élément, parmi ces plantes, sur ce sol qu’elle respecte tant. Sandrine pratique ce qu’elle appelle une agricultur­e responsabl­e. «Onmetdes petites bêtes qui mangent les autres bêtes. Et on ne traite pas, ça les tuerait toutes. Si on doit traiter, c’est avec des produits naturels. Je n’utilise que ce dont j’ai besoin. Là, je n’ai plus traité depuis plusieurs mois. Si c’est un peu mangé c’est pas grave, » lâche-t-elle en désignant quelques salades. Elle glisse pudiquemen­t : « Mon père utilisait des produits avant, et il ne les supporte plus. » Raison de plus de s’en passer. Au milieu de ses fèves, des boîtes de bourdons favorisent la pollinisat­ion. Plus loin, c’est un buisson qui s’anime quand on le secoue. «Ilya des macrolophu­s dedans. C’est pour protéger les tomates. » Une petite punaise, prédateur d’un ravageur de la tomate. La tomate qu’elle aime particuliè­rement cultiver, en même temps qu’elle produit des poivrons et des aubergines.

Dans une autre serre, ce sont des rosiers fraîchemen­t taillés qui produiront bientôt des roses, qu’elle aime tant proposer à ses clients sur le marché de la Libération, devant la gare du Sud. Bientôt, elle espère mettre à son étal d’autres produits encore. « J’ai acheté un terrain à Cagnes-sur-Mer. La terre est plus sableuse, je voudrais y faire des carottes. » Entre autres. Et peut-être passer une partie de sa production en bio. Si la culture qu’elle pratique est déjà séduisante, certains clients ont besoin d’être rassurés par un label. «Jemerensei­gne. On verra si c’est possible. » La question se pose d’autant plus que les contrôles et les audits ont un coût. Qui se répercuter­a forcément sur ses produits.

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La terre, elle te prend et elle ne te lâche plus.”

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Si on doit traiter, c’est avec du naturel.”

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