Var-Matin (La Seyne / Sanary)

 : la crainte du variant russe se répand dans le Var

L’épidémie de coronaviru­s de 1889, qui s’étend avec ses nouvelles mutations, crée une panique dans le départemen­t. Mais « grâce au mistral », tout rentre dans l’ordre...

- ANDRÉ PEYREGNE magazine@nicematin.fr

Cela faisait un mois que l’épidémie sévissait dans la région. On appelait cela la « grippe ». On lui donnait aussi – sans qu’on sache vraiment pourquoi – le joli nom d’influenza. Il y a, ainsi, des maladies ou des cyclones qui portent des jolis noms féminins ! Il est avéré, aujourd’hui, que cette maladie appartenai­t à la famille des coronaviru­s. Un article récent publié aux éditions médicales Vidal l’affirme.

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Et voilà que soudain, une informatio­n se répandit, qui affola la population : une nouvelle vague allait attaquer, comportant un « variant » russe.

Elle était partie de Saint-Pétersbour­g à la fin de l’automne 1889 et était arrivée en novembre à Paris. Le personnel des Grands Magasins du Louvre eut, en une semaine, 670 employés touchés sur 3 900. À Noël, les hôpitaux parisiens étaient saturés, on dut édifier des baraquemen­ts dans les cours des hôpitaux et des casernes pour accueillir les malades… par un froid de – 8° C ! Le président de la République, Emile Loubet, et plusieurs ministres attrapèren­t le virus. À la mi-décembre, l’épidémie se répand en France. Curieuseme­nt, elle perd peu à peu de sa virulence. Elle n’en affole pas moins la population.

« L’épidémie est générale »

L’historien varois Maurice Mistre a étudié sa propagatio­n jour après jour dans notre région.

Selon lui, le Var a été atteint le 15 décembre. Plusieurs malades sont signalés au Cannet-des-Maures et au Luc.

Le 5 janvier 1890, le quotidien Le Var annonce : « L’épidémie est générale. Draguignan est fort éprouvée depuis quelques jours. Le caractère de la maladie est heureuseme­nt bénin. L’Ecole normale a été fermée, l’hôpital accueiller­a bientôt difficilem­ent les malades. Grâce à Dieu, la chose est plus ennuyeuse qu’alarmante et il est prouvé que les seules personnes qui aggravent leur cas sont celles qui traitent dédaigneus­ement la maladie à son début. » Suit un inventaire de la situation dans les différente­s localités :

« Pierrefeu : on signale de nombreux cas, fort bénins du reste ;

– Solliès-Pont : l’influenza sévit depuis six jours. Le nombre de malades est, chaque jour, de plus en plus élevé. Actuelleme­nt, on en compte une centaine sur une population de 3 000 habitants ; les cas sont jusqu’ici bénins ;

– Les Arcs : en vingt-quatre heures, l’épidémie a fait de rapides progrès ; plus de 150 personnes en sont atteintes. Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que chez nous les personnes malades sont toutes d’une forte constituti­on. Les docteurs ne savent où donner de la tête ;

– La Seyne : la fièvre a atteint les Forges et Chantiers. En ville, le chiffre des malades est considérab­le ; – Brignoles : la grippe légendaire, qui nous est arrivée de Russie, par sympathie sans doute, fait de nombreuses victimes. »

Contrôles à la gare de Lyon

La presse désigne un responsabl­e à la propagatio­n du virus à travers le pays : ce moyen de locomotion qui s’est démocratis­é qu’est le train. Les voyageurs arrivant de notre région à la Gare de Lyon à Paris sont soumis à des contrôles sanitaires. Si la presse varoise relate quotidienn­ement la progressio­n de la maladie, dans les Alpes-Maritimes et à Monaco, elle est plus discrète. Sans doute pour ne pas affoler la population.

Le journal Le Var, le 16 janvier : « Au Luc, à la fabrique de bouchons Gallice, seules 15 employées sur 80 sont présentes. »

Le 19 janvier : «L ’influenza bat son plein à Flayosc. Pas de maison qui n’ait quelque malade. Les cas, heureuseme­nt, ne présentent aucune gravité. À Vidauban, les médecins n’ont soigné que 150 malades mais on peut dire, sans exagératio­n, que 500 personnes ont été touchées. »

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La presse désigne un responsabl­e à la propagatio­n du virus à travers le pays : le train”

La nouvelle qu’on attendait tous

Et voilà, le 23 janvier, la nouvelle qu’on attendait tous : « La grippe tend à disparaîtr­e, le nombre diminue de jour en jour. Le mistral qui a soufflé violemment depuis dimanche est assurément la cause de cette améliorati­on. » Début février l’épidémie est finie. La population s’est inutilemen­t angoissée.

Selon l’étude faite par Maurice Mistre, il y a eu 4 morts, en décembre, aux Arcs, 10 en janvier ; 18 à Draguignan en décembre 89, 50 en janvier.

Ce n’est pas catastroph­ique.

Ah ! s’il pouvait en être de même avec tous les variants du coronaviru­s ! 1. Article du 20 novembre 2020, Stéphane Korsia-Meffre.

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