: la crainte du variant russe se répand dans le Var
L’épidémie de coronavirus de 1889, qui s’étend avec ses nouvelles mutations, crée une panique dans le département. Mais « grâce au mistral », tout rentre dans l’ordre...
Cela faisait un mois que l’épidémie sévissait dans la région. On appelait cela la « grippe ». On lui donnait aussi – sans qu’on sache vraiment pourquoi – le joli nom d’influenza. Il y a, ainsi, des maladies ou des cyclones qui portent des jolis noms féminins ! Il est avéré, aujourd’hui, que cette maladie appartenait à la famille des coronavirus. Un article récent publié aux éditions médicales Vidal l’affirme.
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Et voilà que soudain, une information se répandit, qui affola la population : une nouvelle vague allait attaquer, comportant un « variant » russe.
Elle était partie de Saint-Pétersbourg à la fin de l’automne 1889 et était arrivée en novembre à Paris. Le personnel des Grands Magasins du Louvre eut, en une semaine, 670 employés touchés sur 3 900. À Noël, les hôpitaux parisiens étaient saturés, on dut édifier des baraquements dans les cours des hôpitaux et des casernes pour accueillir les malades… par un froid de – 8° C ! Le président de la République, Emile Loubet, et plusieurs ministres attrapèrent le virus. À la mi-décembre, l’épidémie se répand en France. Curieusement, elle perd peu à peu de sa virulence. Elle n’en affole pas moins la population.
« L’épidémie est générale »
L’historien varois Maurice Mistre a étudié sa propagation jour après jour dans notre région.
Selon lui, le Var a été atteint le 15 décembre. Plusieurs malades sont signalés au Cannet-des-Maures et au Luc.
Le 5 janvier 1890, le quotidien Le Var annonce : « L’épidémie est générale. Draguignan est fort éprouvée depuis quelques jours. Le caractère de la maladie est heureusement bénin. L’Ecole normale a été fermée, l’hôpital accueillera bientôt difficilement les malades. Grâce à Dieu, la chose est plus ennuyeuse qu’alarmante et il est prouvé que les seules personnes qui aggravent leur cas sont celles qui traitent dédaigneusement la maladie à son début. » Suit un inventaire de la situation dans les différentes localités :
« Pierrefeu : on signale de nombreux cas, fort bénins du reste ;
– Solliès-Pont : l’influenza sévit depuis six jours. Le nombre de malades est, chaque jour, de plus en plus élevé. Actuellement, on en compte une centaine sur une population de 3 000 habitants ; les cas sont jusqu’ici bénins ;
– Les Arcs : en vingt-quatre heures, l’épidémie a fait de rapides progrès ; plus de 150 personnes en sont atteintes. Ce qu’il y a de plus curieux, c’est que chez nous les personnes malades sont toutes d’une forte constitution. Les docteurs ne savent où donner de la tête ;
– La Seyne : la fièvre a atteint les Forges et Chantiers. En ville, le chiffre des malades est considérable ; – Brignoles : la grippe légendaire, qui nous est arrivée de Russie, par sympathie sans doute, fait de nombreuses victimes. »
Contrôles à la gare de Lyon
La presse désigne un responsable à la propagation du virus à travers le pays : ce moyen de locomotion qui s’est démocratisé qu’est le train. Les voyageurs arrivant de notre région à la Gare de Lyon à Paris sont soumis à des contrôles sanitaires. Si la presse varoise relate quotidiennement la progression de la maladie, dans les Alpes-Maritimes et à Monaco, elle est plus discrète. Sans doute pour ne pas affoler la population.
Le journal Le Var, le 16 janvier : « Au Luc, à la fabrique de bouchons Gallice, seules 15 employées sur 80 sont présentes. »
Le 19 janvier : «L ’influenza bat son plein à Flayosc. Pas de maison qui n’ait quelque malade. Les cas, heureusement, ne présentent aucune gravité. À Vidauban, les médecins n’ont soigné que 150 malades mais on peut dire, sans exagération, que 500 personnes ont été touchées. »
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La presse désigne un responsable à la propagation du virus à travers le pays : le train”
La nouvelle qu’on attendait tous
Et voilà, le 23 janvier, la nouvelle qu’on attendait tous : « La grippe tend à disparaître, le nombre diminue de jour en jour. Le mistral qui a soufflé violemment depuis dimanche est assurément la cause de cette amélioration. » Début février l’épidémie est finie. La population s’est inutilement angoissée.
Selon l’étude faite par Maurice Mistre, il y a eu 4 morts, en décembre, aux Arcs, 10 en janvier ; 18 à Draguignan en décembre 89, 50 en janvier.
Ce n’est pas catastrophique.
Ah ! s’il pouvait en être de même avec tous les variants du coronavirus ! 1. Article du 20 novembre 2020, Stéphane Korsia-Meffre.