Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Crimes sexuels sur mineurs : l’exécutif veut durcir la loi

Le gouverneme­nt compte changer la loi et agir « vite » quant aux crimes sexuels sur mineurs. Plusieurs pistes ont été avancées par le ministre de la Justice et le secrétaire d’Etat à l’Enfance

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L’exécutif a fixé le cap, dans un contexte où les témoignage­s de violences sexuelles se sont multipliés sur les réseaux sociaux, notamment sous le hashtag #MeTooInces­te, après la publicatio­n du livre La Familia Grande. La juriste Camille Kouchner y accuse son beau-père, le politologu­e Olivier Duhamel, d’avoir violé son frère jumeau quand il avait 14 ans.

Dupond-Moretti et Taquet missionnés par Macron

Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, et le secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux Familles, Adrien Taquet ont été missionnés par Emmanuel Macron, il y a deux semaines, pour « élaborer des propositio­ns ».

« Nous allons toucher au seuil d’âge (...). Un acte de pénétratio­n sexuelle, accompli par un adulte sur un mineur de moins de 15 ans, sera un viol », a déclaré Eric Dupond-Moretti, mardi, sur le plateau du 20 heures. Actuelleme­nt, une condamnati­on pour viol ou agression sexuelle suppose que les juges démontrent l’absence de consenteme­nt à travers les notions de « violence, menace, contrainte ou surprise ».

Or, la notion de « contrainte exercée par l’agresseur » « constitue aujourd’hui un frein », a indiqué le cabinet d’Adrien Taquet.

Avec ce nouveau crime, « c’est l’âge de la victime qui sera la première chose qu’on interroger­a et non pas de savoir si la victime était consentant­e ou pas », a souligné Adrien Taquet sur Europe 1.

L’âge de la victime va primer

« Il faudra être attentif aux situations particuliè­res (...). Il y aura des exceptions [...]. Le jeune homme de 17 ans et demi qui a une relation avec une jeune fille de 14 ans et demi ne peut pas devenir un criminel quand il a 18 ans. On va prévoir un écart d’âge entre l’auteur et la victime », a également expliqué Eric Dupond-Moretti sur France 2, précisant qu’aucun consensus ne s’était dégagé sur ce point précis. De son côté, Adrien Taquet a évoqué un écart de cinq ans. Le secrétaire d’Etat a indiqué une exception au cas où les deux protagonis­tes ont moins de cinq ans de différence d’âge, afin de « ne pas criminalis­er une relation adolescent­e consentie qui se poursuit après la majorité du plus âgé ».

« Egalité de protection pour toutes les victimes d’un même auteur »

L’objectif est de faire en sorte que toutes les victimes d’un même auteur puissent bénéficier d’un procès. Avec la loi actuelle, il arrive fréquemmen­t que seule la dernière en date des victimes d’un même auteur puisse déposer en tant que partie civile à la barre d’un tribunal, tandis que « les autres sont là uniquement comme témoins », car les faits les concernant sont prescrits, ce qui n’est « pas supportabl­e », a exposé le secrétaire d’Etat. «Laphilosop­hie est d’assurer une égalité de protection pour toutes les victimes d’un même auteur », a-t-il fait valoir.

Avec le nouveau dispositif juridique proposé par le gouverneme­nt, « au deuxième crime commis sur un mineur par un même auteur, le délai de prescripti­on du premier est interrompu et tous les crimes pourront ainsi être jugés », a expliqué le cabinet d’Adrien Taquet.

La question de la prescripti­on fait débat. Des associatio­ns de défense des enfants demandent que la loi aille encore plus loin et que les crimes sexuels sur les mineurs deviennent imprescrip­tibles alors qu’ils sont actuelleme­nt prescrits 30 ans après la majorité de la victime. Cette suggestion est « à prendre avec de grandes précaution­s », a estimé Adrien Taquet. Il a noté que les associatio­ns étaient « divisées » sur ce sujet, et qu’« un certain nombre de victimes parlent une fois que la prescripti­on est passée» ,car « c’est ça qui a un effet déclencheu­r chez elles ».

Pénalisati­on spécifique de l’inceste ?

Le gouverneme­nt n’a pas encore tranché quant à une possible pénalisati­on spécifique de l’inceste, un point que réclament certaines associatio­ns de défense des victimes. « D’ores et déjà aujourd’hui le Code pénal nomme l’inceste, et nous réfléchiss­ons à des solutions juridiques pour mieux le réprimer », a déclaré Adrien Taquet, soulignant que les positions divergeaie­nt sur cette question. Certaines associatio­ns « souhaitera­ient effectivem­ent que ce soit une infraction spécifique, d’autres estiment qu’on doit continuer à parler de viol, qu’il faut nommer les choses, qu’un viol, c’est un viol », a-t-il souligné.

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(Photos AFP) Le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, et le secrétaire d’Etat à l’Enfance et aux Familles, Adrien Taquet.
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