Au collège, le calme après la polémique
Après la polémique et l’abandon du projet visant à lui donner le nom de Samuel Paty, une enseignante du collège appelle à « l’apaisement » et au respect de « la liberté d’expression »
Il est devenu difficile de parler, sans lever les doutes et les peurs sur les réactions en chaîne que chaque propos tenu semble pouvoir provoquer. Depuis que le maire d’Ollioules a annoncé dans les colonnes de Varmatin vouloir rebaptiser le collège les Eucalyptus du nom de Samuel Paty ; depuis qu’une partie du corps enseignant a montré son opposition, de même que les parents d’élèves, la polémique n’a cessé de grandir.
« Une déferlante de haine »
Devant l’ampleur des inquiétudes, le maire Robert Beneventi a préféré retirer le projet, ce qu’il a annoncé à l’occasion d’un conseil municipal, dans l’objectif d’apaiser les esprits.
Le collège ne portera pas le nom de Samuel Paty, du nom de cet enseignant assassiné par un terroriste islamiste, en octobre 2020 dans les Yvelines. Le maire n’a pas renoncé à rendre hommage à ce professeur de collège. « Tous ensemble, nous allons réfléchir à un endroit qui soit au moins aussi fort qu’un collège en symbole, pour célébrer sa mémoire. J’ai quelques pistes mais je suis à l’écoute de vos idées », a suggéré Robert Beneventi, en conseil municipal.
Pour une enseignante du collège Les Eucalyptus, l’épisode reste une épreuve, tant le collège, dans son ensemble, a été visé selon elle par « une déferlante de haine ». Sur les réseaux sociaux en particulier. Les professeurs ont été accusés de lâcheté, de faiblesse et de renoncement. Elle regrette « une vision de l’Éducation nationale calamiteuse, pour [ceux qui sont] dans le service public, au service de la nation ». Elle s’est sentie « salie par des tweets qui n’ont pas compris qu’il y avait pluralité d’opinions. Et que cette pluralité était acceptée ».
« Poser l’émotion, laisser place à l’esprit critique »
Elle pourtant, était favorable au changement de nom du collège, « un projet noble et courageux ». Son propos, ici, n’est pas de le défendre, mais de défendre la pluralité, la nuance : « Poser l’émotion, laisser place à l’esprit critique ».
Isabelle Pertois, professeur d’histoire-géographie a particulièrement mal vécu que les professeurs du collège aient été présentés comme unanimes contre le projet de changement de nom. «Ila été dit que les profs étaient à 100 % contre, or c’est faux. Il n’y a absolument pas eu unanimité. Cette soi-disant unanimité est une fiction. » L’erreur factuelle n’a pas aidé à la compréhension de la situation. « Le 100 % montre un bloc, un front. C’est une symbolique très forte. Or ce n’est pas le cas. Le collège est à l’image de la démocratie. »
« Une majorité était contre, mais pas % »
En l’occurrence, lors d’une consultation interne au collège, via la plateforme Pronote, 26 profs ont répondu de façon défavorable, sur les 36 enseignants que compte le collège. Parmi les 26, dix-sept ont également écrit au maire pour exprimer leur opposition au projet. Certes, c’est une majorité, assez large, mais ce n’est pas du 100 %. Il reste neuf enseignants qui n’ont pas répondu, dont quelques-uns étaient explicitement favorables au projet, assure Isabelle Pertois. Dans la rue passe un collègue qui la salue. Oui, lui aussi le soutenait.
« La pensée unique, c’est l’ennemi de la démocratie »
« La pensée unique, la peur… C’est l’ennemi de la démocratie. Au collège, chacun a eu son argumentation et cela a été respecté par les autres. Il faut réhabiliter le collège dans sa liberté et sa pluralité d’expression. »
L’enseignante rappelle aussi combien l’hommage à Samuel Paty a été mené de façon « unanime » au collège, au lendemain de l’assassinat d’octobre dernier. « Chacun l’a mené dans sa classe, avec une minute de silence et les professeurs d’histoire-géo en ont parlé à chaque classe. » Il n’y a jamais eu débat sur ce point. De même qu’elle soutient que le mot de « laïcité » doit être « intégré de façon beaucoup plus interdisciplinaire, ne pas être cantonné à l’histoire-géo, et englober aussi tous les personnels ».
La suite, à ses yeux, relève de «la non-maîtrise de la médiatisation », dans « un contexte de crispation, peu propice à y voir clair ». Elle répète que « nul ne peut être inquiété pour son opinion et l’expression de son opinion ». Et y englobe justement ces opinions contraires aux siennes. C’est le message qu’elle veut porter. Aussi et surtout pour tenter d’« apaiser les esprits ».