Un couple en télétravail à SollièsPont : « Il n’y a plus de lien social »
Chez les Le Guern, à Solliès-Pont, les ordinateurs, on connaît. Très bien même. Malgré un physique que ne renierait pas un déménageur breton, Laurent est plus à l’aise pour manier des RAM qu’une truelle. Et pourtant, ce quadragénaire responsable du « pôle travaux » chez DigiSys, entreprise basée à La Garde proposant une expertise en intégration et en réseau de la sécurité des bâtiments, ne rêve que d’en finir avec le télétravail et de retrouver « en présentiel » son poste cinq jours par semaine, et non trois comme c’est le cas aujourd’hui.
« Franchement, je n’en peux plus, confie-t-il un brin désabusé. Il y a bien sûr des avantages au télétravail, mais la balance penche quand même du côté négatif... Nous n’avons pas le choix, donc on fait avec. Mais sur le long terme, je pense que cela peut être destructeur sur bien des points. »
Fini le périscolaire pour les enfants
Avec son épouse Coralie, assistante de direction dans la même entreprise, ils ont décidé en accord avec leurs patrons d’alterner les jours de travail à la maison. « Cela nous permet d’aller chercher les enfants dès la sortie des classes et de ne plus faire appel au périscolaire. »
Une économie substantielle, d’autant plus que le couple a deux garçons et une fille âgés de 8 et 5 ans.
« C’est le principal avantage, reconnaît Coralie. Nous pouvons passer plus de temps avec eux. C’est vraiment bien. Ceci dit, cela nous oblige à terminer la journée de travail à 16h15, et donc il nous arrive parfois de finir une tâche durant le week-end ou un jour de repos. »
Autre avantage, et non des moindres quand on travaille dans l’aire toulonnaise, plus besoin de prendre sa voiture.
« Au niveau du stress, entre la peur d’arriver en retard à cause des embouteillages et la crainte d’un accrochage, ne pas se déplacer est vraiment un plus, avoue Laurent, qui n’a pas pour autant fait le calcul des coûts du télétravail. Niveau ordinateur, je n’ai pas eu besoin d’acheter de matériel, à part une caméra mais qui était surtout prévue pour échanger avec la famille. Je n’ai pas regardé combien on paye en termes de chauffage et d’électricité, mais je pense que ce n’est pas énorme. Du moins ça n’inverse pas les économies réalisées avec le périscolaire. »
Perte de motivation, moral en berne
Voilà pour les bénéfices. Pour Laurent et Coralie, ils ne suffisent pas à faire du télétravail une panacée. « Cela complexifie la gestion des équipes. L’absence de contact direct donne également des échanges moins rapides malgré la technologie. Il y a aussi moins d’émulation. La visio, c’est bien sympa cinq minutes mais ça peut vite virer à la cacophonie. »
Un manque de fluidité qui s’accompagne aussi d’un réel sentiment de solitude. « Ce n’est pas facile de rester seule toute la journée, appuie Coralie. J’avais l’habitude de faire du sport entre midi et deux pour m’aérer la tête. Désormais je tourne en rond à la maison. Il n’y a plus de lien social. On peut y perdre de la motivation. Et son moral. »
Coincé comme l’ensemble de la population dans une boucle temporelle « boulot-dodo » sans visibilité sur l’avenir, le couple Le Guern a l’impression d’être des personnages du roman 1984 de George Orwell.
« C’est un cercle infernal, soupire Laurent. On a l’impression de n’être là que pour travailler. La maison devient le bureau, et inversement. C’est très troublant. Et ne pas pouvoir envisager de réelles vacances, avec des visites et des restaurants, c’est encore plus anxiogène. Le télétravail sera toujours rattaché à la Covid-19. Le jour où tout cela sera derrière nous - si cela arrive... - je ne le regretterai certainement pas »