Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Violences conjugales : « Ça va s’arrêter quand ? »

Frappée, menacée, harcelée, Julie a déposé treize plaintes depuis 2019 contre son ex-conjoint. La Niçoise de 31 ans a obtenu gain de cause. Mais les méandres judiciaire­s l’empêchent de se sortir d’affaire. Témoignage bouleversa­nt

- CÉLIA MALLECK cmalleck@nicematin.fr (1) Le prénom a été modifié.

Porter plainte, d’accord, mais ensuite ? Julie vit avec les rideaux (1) fermés et la peur au ventre. Cette Niçoise de 31 ans a été victime de violences conjugales. Depuis 2019, elle a déposé treize plaintes contre son compagnon et se débat depuis avec la justice pour obtenir la paix. Un paradoxe. Son ex-copain vit à 200 mètres de chez elle à Nice-Est et la harcèle sans cesse. Témoignage.

« La plainte l’a rendu fou »

« Il m’a frappé une fois quand on était en couple », confie-t-elle, assise sur son canapé. 1er septembre 2019, première plainte auprès de la police. « Je l’ai quitté, j’ai rencontré quelqu’un d’autre avec qui ça n’a pas marché. Il est revenu, m’a dit qu’il avait changé… » Elle l’a cru. L’amour refait son nid jusqu’à ce qu’elle lui avoue avoir eu un autre homme dans sa vie. L’idylle se déchire. Les coups retombent. Elle dépose plainte une deuxième fois en octobre 2019. « Ça l’a rendu fou ». Il la menace, la suit dans la rue, au travail, à l’école de son fils, l’appelle en pleine nuit en numéro masqué…

« Il a créé des faux profils sur les réseaux sociaux où il m’insultait et diffusait mon adresse. » Sa vie se transforme en enfer. Sans fin.

Le 13 janvier 2020, elle obtient une ordonnance de protection et rejoint le dispositif « téléphone grave danger ». L’appareil est équipé d’une touche qui alerte immédiatem­ent la police. Un kit de survie.

Le 11 février, nouvelle déferlante. «Il était encore en bas de chez moi. J’ai attendu qu’il parte pour sortir, mais il s’était caché. » Une pluie de coups s’abat sur elle. « Il m’a donné des coups de poing, des coups de pied quand j’étais à terre. Il m’a traîné au sol sur plusieurs mètres. J’étais en sang. »

Elle garde les photos de son visage tuméfié et de son dos rapé sur son téléphone. Tatouées à vif dans sa mémoire. « Je suis désolée, s’excuse-t-elle en pleurant. C’est tellement difficile d’en parler. »

«Envoyée à l’hôpital »

Elle inspire et poursuit : « La police est arrivée. Il a dit que je l’avais agressé. On nous a embarqués tous les deux à Auvare. » Incompréhe­nsion. « Ils l’ont entendu en premier. J’ai attendu deux heures avec à peine de quoi m’essuyer le visage. Quand je leur ai raconté ma version des faits, ils sont retournés le chercher chez lui pour le placer en garde à vue et m’ont envoyé à l’hôpital. »

Elle ressort avec deux jours d’ITT. Son ex est placé sous contrôle judiciaire, mais il continue de la tourmenter. Julie n’ose plus sortir de chez elle.

Elle parle de sa vie sous anti-dépresseur­s et somnifères, de son fils de 5 ans traumatisé.

Le 26 mai 2020, la justice se prononce enfin. Son ex-conjoint est condamné par le tribunal correction­nel de Nice à un an d’emprisonne­ment dont 8 huit mois de sursis.

Il est reconnu coupable de violence suivie d’incapacité n’excédant pas huit jours (ITT), non-respect de l’ordonnance d’éloignemen­t, atteinte à l’intimité de la vie privée.

Mais le procès est renvoyé au 25 novembre, pour laisser au prévenu le soin de préparer sa défense.

Le jour-J, il nie les faits et prétend être victime de harcèlemen­t. Le tribunal donne raison à la plaignante. Il fait appel du jugement et ressort libre. Encore. « Je ne comprends pas », souffle Julie qui a le sentiment d’être abandonnée par la justice. En désespoir de cause, elle contacte notre quotidien et se rapproche de l’Abri Côtier. L’accueil de jour pour les femmes victimes de violences lui apporte une aide inespérée. Il lui trouve en urgence une avocate à Aix-en-Provence pour l’audience en appel du 10 février.

« Je veux que ça s’arrête »

Tout le monde y croyait. Mais, mercredi, l’audience a été reportée au 21 avril parce que l’avocate du prévenu était cas contact à la Covid-19. « Je suis épuisée, déballe Julie. Quand est-ce que ça va s’arrêter ? »

Son ordonnance de protection est arrivée à terme. Elle ne sera bientôt plus équipée du téléphone grave danger. Julie doit refaire des démarches auprès du tribunal pour se protéger. Elle a également envoyé un courrier au procureur de la République de Nice pour lui demander de traiter les treize plaintes qu’elle a déposées.

Mais même si elle obtient justice, Julie n’en ressortira pas indemne. « Ça m’a bouffé la vie. »

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