Beauvau de la sécurité : « Réfléchir à un nouvel arsenal répressif »
Partie prenante des tables rondes au ministère de l’Intérieur, le maire de St-Raphaël, Frédéric Masquelier, dresse un point d’étape et donne ses clés pour améliorer le lien ‘‘police-population’’
La grande concertation nationale consacrée à la police et la gendarmerie(1), pilotée par le ministre de l’Intérieur, est entrée dans sa phase active cette semaine. À l’instar de trois autres représentants de l’Association des maires de France (AMF), le premier magistrat de Saint-Raphaël, Frédéric Masquelier, participe à huit tables rondes thématiques(2) jusqu’au mois de mai. Avec comme mission de « porter les voix du territoire et du quotidien ». Lundi dernier, des représentants nationaux des forces de l’ordre, des syndicats, quatre parlementaires et le maire de Saint-Raphaël – donc – ont planché sur le thème du ‘‘lien entre police et population’’.
Lors de cette première table ronde, il a notamment été question d’une meilleure adaptation des forces de l’ordre à la ‘‘société de l’image’’. Un point essentiel ?
C’est important pour mettre en avant l’image de la police, non pas de manière négative comme elle peut l’être parfois, lors de la répression de manifestants ou d’incidents en particulier. Au regard des statistiques qui nous ont été transmises, il faut quand même noter qu’une très grande majorité de la population a confiance dans la police. Avoir confiance, c’est se sentir protégé et non ciblé. La petite minorité de la population qui n’aime pas la police, c’est la catégorie des délinquants ou des gens ultrapolitisés de type anarchistes qui seront toujours irréconciliables avec la police. Ceux qu’il faut convaincre sont ceux qui se sentent injustement et insuffisamment protégés, les catégories de personnes les plus fragiles et les plus paupérisées.
Concrètement, comment renforcer le lien entre la police et la population ?
Il faut pouvoir apporter une réponse à ceux qui doutent. Ça passe par une police plus efficace : il ne doit plus y avoir de zones de non-droit, personne ne doit avoir peur quand il rentre chez lui et il faut une réponse adaptée dès lors qu’il y a un désordre non justifié. Un thème qui revient en permanence parmi les acteurs de ce ‘‘Beauvau’’, c’est la relation avec la justice. Il y aura une table ronde dans ce sens le mars avec le garde des Sceaux. La problématique de l’absence d’une réponse judiciaire adaptée a été souvent soulevée, notamment par les policiers sur le terrain. Soit la réponse est jugée trop laxiste, soit le dispositif législatif est inadapté. Aujourd’hui, la police a un sentiment d’impuissance. Elle dit ‘‘nous faisons notre travail, mais il n’y a pas de sanctions derrière’’. Dans des quartiers en difficulté, par exemple, il faut pouvoir apporter des réponses aux citoyens qui ont du mal à rentrer chez eux, voient des trafics sous leur fenêtre... La protection policière est d’abord pour les plus fragiles. Des sanctions adaptées, c’est parfois être plus dur dans certains domaines. On a supprimé la double peine(), mais il faudrait peut-être que le délinquant multirécidiviste étranger puisse être expulsé. Ça peut être la question de la saisie des allocations familiales à certains moments. Bref, il faut réfléchir à un nouvel arsenal répressif qui soit adapté et donne du sens au travail de la police. Au sein même de la police, on constate aussi un ras-le-bol de faire face à trop de procédures, un excès de bureaucratie. Par exemple, pour poser une balise sur une voiture, il faut l’autorisation du juge des libertés et de la détention. Une balise, c’est juste savoir où se trouve un véhicule. Il faut faire confiance aux agents de terrain.
« Sanctuariser un budget dans les années à venir »
Quid de l’évolution des missions de la police municipale ?
En tant qu’élu, j’ai demandé une table ronde spécifique sur la police municipale, sorte de continuum de sécurité. Si on recentre la police nationale sur des fonctions d’ordre judiciaire, cela pose la question du transfert de certaines de ses tâches. La crainte est de se retrouver avec de nouvelles missions pour notre police municipale, les moins valorisantes (bureaucratie, paperasse…). Aujourd’hui, la police municipale a un rôle essentiel de proximité, dans le renseignement notamment. Elle doit rester sous le contrôle du maire et non pas du procureur ou encore du préfet.
Des critiques ont été émises sur l’absence de collectifs de citoyens, représentants de la société civile ou policiers de terrain lors de la première table ronde sur le lien ‘‘policepopulation’’...
Mais il y a une présence très importante de tous les syndicats, police comme gendarmerie.
Ensuite, il y a des parlementaires et des maires désignés par l’AMF, qui sont les représentants de la population. Il n’y a pas lieu à polémiquer. À titre personnel, dans le cadre d’une démocratie représentative, j’insiste sur le fait que l’élu représente les citoyens, plus que des collectifs dont on ne sait jamais l’origine ou le mode de désignation. Faisons confiance aux élus qui jouent le jeu de corps intermédiaire.
Qu’attendez-vous de ce ‘‘Beauvau’’ ? Ne se résumerat-il pas à une question de moyens financiers pour faire face aux défis ciblés ?
Je dégage trois objectifs majeurs de ce ‘‘Beauvau’’. Il faut sanctuariser un budget de sécurité intérieure dans les années à venir pour moderniser la police, les bâtiments, les locaux, le matériel, avoir accès aux nouvelles technologies... Il faut faire confiance à la police avec le principe de responsabilité, libérer les énergies et donner plus d’autonomie aux acteurs de terrain. Enfin, il faut une vraie réflexion avec le ministère de la Justice sur les sanctions pour rendre le travail de la police utile.
1. En prévision de la future loi d’orientation et de programmation de la sécurité intérieure prévue en 2022.
2. Le lien entre forces de l’ordre et population, la formation, l’encadrement, les moyens humains et matériels, la captation de vidéos, la réforme de l’IGPN et la relation à l’autorité judiciaire.
3. En droit pénal, la « double peine » est le fait de condamner à deux peines une personne morale ou physique pour le même motif. Par exemple, à une peine de prison ET une expulsion du territoire.