Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Beauvau de la sécurité : « Réfléchir à un nouvel arsenal répressif »

Partie prenante des tables rondes au ministère de l’Intérieur, le maire de St-Raphaël, Frédéric Masquelier, dresse un point d’étape et donne ses clés pour améliorer le lien ‘‘police-population’’

- PROPOS RECUEILLIS PAR THOMAS HUET thuet@nicematin.fr

La grande concertati­on nationale consacrée à la police et la gendarmeri­e(1), pilotée par le ministre de l’Intérieur, est entrée dans sa phase active cette semaine. À l’instar de trois autres représenta­nts de l’Associatio­n des maires de France (AMF), le premier magistrat de Saint-Raphaël, Frédéric Masquelier, participe à huit tables rondes thématique­s(2) jusqu’au mois de mai. Avec comme mission de « porter les voix du territoire et du quotidien ». Lundi dernier, des représenta­nts nationaux des forces de l’ordre, des syndicats, quatre parlementa­ires et le maire de Saint-Raphaël – donc – ont planché sur le thème du ‘‘lien entre police et population’’.

Lors de cette première table ronde, il a notamment été question d’une meilleure adaptation des forces de l’ordre à la ‘‘société de l’image’’. Un point essentiel ?

C’est important pour mettre en avant l’image de la police, non pas de manière négative comme elle peut l’être parfois, lors de la répression de manifestan­ts ou d’incidents en particulie­r. Au regard des statistiqu­es qui nous ont été transmises, il faut quand même noter qu’une très grande majorité de la population a confiance dans la police. Avoir confiance, c’est se sentir protégé et non ciblé. La petite minorité de la population qui n’aime pas la police, c’est la catégorie des délinquant­s ou des gens ultrapolit­isés de type anarchiste­s qui seront toujours irréconcil­iables avec la police. Ceux qu’il faut convaincre sont ceux qui se sentent injustemen­t et insuffisam­ment protégés, les catégories de personnes les plus fragiles et les plus paupérisée­s.

Concrèteme­nt, comment renforcer le lien entre la police et la population ?

Il faut pouvoir apporter une réponse à ceux qui doutent. Ça passe par une police plus efficace : il ne doit plus y avoir de zones de non-droit, personne ne doit avoir peur quand il rentre chez lui et il faut une réponse adaptée dès lors qu’il y a un désordre non justifié. Un thème qui revient en permanence parmi les acteurs de ce ‘‘Beauvau’’, c’est la relation avec la justice. Il y aura une table ronde dans ce sens le  mars avec le garde des Sceaux. La problémati­que de l’absence d’une réponse judiciaire adaptée a été souvent soulevée, notamment par les policiers sur le terrain. Soit la réponse est jugée trop laxiste, soit le dispositif législatif est inadapté. Aujourd’hui, la police a un sentiment d’impuissanc­e. Elle dit ‘‘nous faisons notre travail, mais il n’y a pas de sanctions derrière’’. Dans des quartiers en difficulté, par exemple, il faut pouvoir apporter des réponses aux citoyens qui ont du mal à rentrer chez eux, voient des trafics sous leur fenêtre... La protection policière est d’abord pour les plus fragiles. Des sanctions adaptées, c’est parfois être plus dur dans certains domaines. On a supprimé la double peine(), mais il faudrait peut-être que le délinquant multirécid­iviste étranger puisse être expulsé. Ça peut être la question de la saisie des allocation­s familiales à certains moments. Bref, il faut réfléchir à un nouvel arsenal répressif qui soit adapté et donne du sens au travail de la police. Au sein même de la police, on constate aussi un ras-le-bol de faire face à trop de procédures, un excès de bureaucrat­ie. Par exemple, pour poser une balise sur une voiture, il faut l’autorisati­on du juge des libertés et de la détention. Une balise, c’est juste savoir où se trouve un véhicule. Il faut faire confiance aux agents de terrain.

« Sanctuaris­er un budget dans les années à venir »

Quid de l’évolution des missions de la police municipale ?

En tant qu’élu, j’ai demandé une table ronde spécifique sur la police municipale, sorte de continuum de sécurité. Si on recentre la police nationale sur des fonctions d’ordre judiciaire, cela pose la question du transfert de certaines de ses tâches. La crainte est de se retrouver avec de nouvelles missions pour notre police municipale, les moins valorisant­es (bureaucrat­ie, paperasse…). Aujourd’hui, la police municipale a un rôle essentiel de proximité, dans le renseignem­ent notamment. Elle doit rester sous le contrôle du maire et non pas du procureur ou encore du préfet.

Des critiques ont été émises sur l’absence de collectifs de citoyens, représenta­nts de la société civile ou policiers de terrain lors de la première table ronde sur le lien ‘‘policepopu­lation’’...

Mais il y a une présence très importante de tous les syndicats, police comme gendarmeri­e.

Ensuite, il y a des parlementa­ires et des maires désignés par l’AMF, qui sont les représenta­nts de la population. Il n’y a pas lieu à polémiquer. À titre personnel, dans le cadre d’une démocratie représenta­tive, j’insiste sur le fait que l’élu représente les citoyens, plus que des collectifs dont on ne sait jamais l’origine ou le mode de désignatio­n. Faisons confiance aux élus qui jouent le jeu de corps intermédia­ire.

Qu’attendez-vous de ce ‘‘Beauvau’’ ? Ne se résumerat-il pas à une question de moyens financiers pour faire face aux défis ciblés ?

Je dégage trois objectifs majeurs de ce ‘‘Beauvau’’. Il faut sanctuaris­er un budget de sécurité intérieure dans les années à venir pour moderniser la police, les bâtiments, les locaux, le matériel, avoir accès aux nouvelles technologi­es... Il faut faire confiance à la police avec le principe de responsabi­lité, libérer les énergies et donner plus d’autonomie aux acteurs de terrain. Enfin, il faut une vraie réflexion avec le ministère de la Justice sur les sanctions pour rendre le travail de la police utile.

1. En prévision de la future loi d’orientatio­n et de programmat­ion de la sécurité intérieure prévue en 2022.

2. Le lien entre forces de l’ordre et population, la formation, l’encadremen­t, les moyens humains et matériels, la captation de vidéos, la réforme de l’IGPN et la relation à l’autorité judiciaire.

3. En droit pénal, la « double peine » est le fait de condamner à deux peines une personne morale ou physique pour le même motif. Par exemple, à une peine de prison ET une expulsion du territoire.

 ?? (Photo Philippe Arnassan) ?? Invité à la table du ‘‘Beauvau de la sécurité’’, le maire de SaintRapha­ël entend jouer son rôle de « corps intermédia­ire ».
(Photo Philippe Arnassan) Invité à la table du ‘‘Beauvau de la sécurité’’, le maire de SaintRapha­ël entend jouer son rôle de « corps intermédia­ire ».

Newspapers in French

Newspapers from France