Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Arrivé à bon pôle

Créateur de la Race Across France qui part de la Côte d’azur, Arnaud Manzanini a réussi un pari insensé : traverser la Suède à vélo, au-delà du cercle polaire. Il raconte cette « expérience de vie »

- PASCAL FIANDINO pfiandino@nicematin.fr

Dire que le froid était sa hantise... «Ultra-cycliste » accompli, Arnaud Manzanini n’a jamais cillé pour engloutir les 5 000 km – et 60 000 m de dénivelé positif – de la Race Across America, découverte en 2013. Pour traverser les déserts torrides d’Arizona, quand le mercure vient chatouille­r les 50 °C.

Pire, il y a pris du plaisir ! Tellement qu’il a, dès 2018, dupliqué cette folie made in USA dans l’Hexagone. Depuis, l’épreuve, de 2 700 km, réunit de plus en plus d’adeptes au départ de Mandelieu, direction Le Touquet. Lui, continue de chasser ses limites, sur les routes du globe. Et, en juin dernier, au cours du tour de France randonneur, il a bien failli les trouver, au col de La Bonnette. « À -2 °C, j’ai eu très froid. J’étais tétanisé, j’ai bien failli m’arrêter », se souvient l’athlète de 46 ans. Cette angoisse, il en a fait le moteur d’un projet fou : traverser la Laponie suédoise, de Harapanda à Riksgränse­n, à 200 km au nord du cercle polaire. Il avait tablé sur sept jours pour boucler les 800 km ; il lui en a fallu six. Passé «le gros contrecoup physique et mental » de son exploit, le haut du corps «encore courbaturé », il est revenu sur « cette expérience de vie, cette parenthèse extraordin­aire. »

Arrivé sur place, d’emblée, un marchand de cycles local le met dans le bain. Manque de s’étrangler en jetant un oeil à ses pneus cloutés : « C’est pour la ville, ça ! » Changement de matos : plus large, avec quatre rangées de clous. « C’est une sensation bizarre, on flotte, ça ne paraît pas stable mais c’est sécurisant. » Un impératif. Car, pour éviter les routes principale­s, rendues dangereuse­s par l’afflux de camions de transport, il doit emprunter un itinéraire bis. Sur des sentiers « glacés comme une patinoire. » À raison de 150 km par jour, barbe en stalactite­s, il remonte – accompagné d’une équipe média mais sans médecin – vers le cercle.

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À - °C, l’instinct de survie prend le dessus”

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Des paysages, comme dans un rêve”

Et découvre l’enfer blanc. «Unmoment, on a eu du -33 °C, -45 en ressenti. Là, l’instinct de survie prend le dessus. » Étrange sensation, qu’il s’emploie tant bien que mal à décrire. « Mon champ de vision s’est rétréci, je ne voyais que devant moi. Je n’étais concentré que sur les réactions de mon corps. Il ne ressentait pas le froid, mais mon esprit, oui. » Il marque une pause. « C’est assez bizarre à expliquer. » Comme cette pensée qui lui traversait l’esprit : «Etsije crève ? Je ne pouvais pas sortir mes mains des gants, ni toucher du métal. Je me disais : jusqu’ici, tout va bien. Tant qu’on est en mouvement, ça va : c’est applicable à la vie de tous les jours, d’ailleurs. »

Seul, au coeur des interminab­les forêts de sapins et de bouleaux, recouverte­s de neige immaculée, Arnaud Manzanini a, quand même, eu le temps d’en prendre plein la vue. « J’ai roulé au milieu des rennes, dans des paysages féeriques, comme dans un rêve. C’était...» Il n’a qu’une onomatopée à offrir, comme si un peu de lui était resté là-bas : « Wow...»

Les mots lui manquent, alors, c’est à travers un documentai­re, North Calling, qu’il partagera, dans les mois à venir, cette inoubliabl­e aventure. Mais là, l’heure est au repos. Avant de se tourner, épris de liberté, vers un nouveau projet.

« La suite ? Je ne sais pas encore... Je vais peut-être repartir vers le Cap Nord [Norvège]. Ou alors, partir à l’opposé, vers le désert. Quoi qu’il en soit, il faut qu’il y ait du sens. Là, je passais d’une frontière fermée [Finlande] à une autre [Norvège]. Je trouve que ça représenta­it bien ce qu’on vit actuelleme­nt. »

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