Fondation Maeght : en
Ses créateurs l’ont voulue comme un temple ouvert, dédié à la beauté de l’art vivant. La Fondation Maeght, empêchée comme tout musée d’accueillir des visiteurs, prend son mal en patience
Pas un chat sinon le vrai, furtif, qui se faufile entre les drôles d’Oiseaux de Joan Miró. La Fondation Maeght sans son public. Affluence zéro. Sur les hauteurs de Saint-Paul-de-Vence, à peine un embryon d’activité depuis que les jardins, le labyrinthe, la chapelle et surtout la cour Giacometti ont rouvert, c’était lundi dernier. Sept euros. Une obole, à l’aune des besoins d’une institution qui a perdu en 2020 la moitié de sa fréquentation. Malgré l’été et en dépit d’une éclaircie, entre deux confinements. Une coupe franche dans les recettes que ne vient compenser aucune subvention de fonctionnement. Adrien Maeght, sidéré par cette trop longue parenthèse dans le parcours sans faute de la Fondation, devra peutêtre se résoudre à céder une pièce de sa propre collection (lire par ailleurs). 130 000 visiteurs bon an mal an, dont une grande part d’étrangers. Anglais, Américains, Chinois aux abonnés absents. Ces temps-ci, maudits, personne pour profiter des salles où une exposition, accrochée après des mois d’efforts et de réflexion, reste tapie dans l’ombre en attendant une sortie de crise. L’été prochain, si tout va bien, la dynastie Giacometti fera l’événement. Deux sculpteurs et un architecte : Alberto et Diego, Bruno. Et deux peintres. Leur père Giovanni et son cousin Augusto. Toute une lignée pour rendre son lustre à ce temple de l’art vivant voulu par un homme du Nord, Aimé Maeght, et par son épouse Marguerite, fille de commerçants cannois.
« Ici, on touche avec les yeux »
La situation de la Fondation n’est pas isolée. Aucun musée, qu’il soit public ou privé, n’est autorisé à recevoir des flux de visiteurs qui ne sont pourtant en nul point comparables avec les files de clients que l’on voit se croiser dans les allées de supermarchés. Les nourritures spirituelles ne seraient donc pas essentielles. Et le coup politique et médiatique du maire RN de Perpignan - sa décision de rouvrir quatre musées, aussitôt annulée par le juge administratif - ou les pétitions du microcosme culturel n’y changent rien : Roselyne Bachelot est inflexible. Le courrier que se prépare à lui envoyer Adrien Maeght n’aura pas plus de poids, c’est à craindre. Une tentative, parmi d’autres, d’obtenir la réouverture de lieux de respiration et d’évasion pour atténuer toute cette morosité et en finir avec l’ennui qui nous ronge les sangs. Alors quoi ? Des oeuvres et des clusters ? « Ici, on touche avec les yeux », rappelle, sur le ton des mots que l’on dit aux enfants, une employée de la Fondation. Un sens de circulation a été imaginé. Le masque, rendu obligatoire. Le gel, mis à disposition. Et la jauge, dûment respectée. Quel risque reste-t-il ? Quand le verrou sautera, tout sera prêt. Tout l’est déjà, d’ailleurs. Président, régisseur, documentaliste, responsables des prêts ou du mécénat travaillent en coulisse pour que le fonds reste en état. Et pour que la collection soit rendue au public dans les meilleures conditions. On n’attend que cela.