À L’ÉCOLE DE LA MER
Le porte-hélicoptères Tonnerre a quitté la rade de Toulon hier Une mission de formation de cinq mois
C’était devant les Kerguelen, il y a trente ans. Brillant mais inexpérimenté, un jeune marin embarqué sur le porte-hélicoptères Jeanne d’Arc connaissait sa première grande frayeur en mer. Une tempête furieuse, comme il n’en souffle que dans ces parages désolés de l’océan Indien, s’est mise à ballotter son navire, tel un fétu. « On a arrêté de faire de la cuisine pendant plusieurs jours… » Ce souvenir n’a jamais quitté Pierre Vandier, chef d’Étatmajor de la Marine nationale depuis l’an dernier.
Jeudi, à Toulon, pour l’appareillage de la mission Jeanne d’Arc, l’amiral est ainsi venu rappeler aux officiers-élèves partis pour naviguer cinq mois durant sur les océans du globe combien ce déploiement l’avait marqué en tant qu’homme. Façonné en tant que chef. « C’est notre ADN. Pour ses moments durs comme pour ses moments d’extase. »
Hélicoptères sur le pont et chalands en dessous
Si la vraie « Jeanne », du nom du bâtiment-école originel qu’a connu Pierre Vandier, n’est plus, elle est avantageusement remplacée aujourd’hui par un porte-hélicoptères, cette année le Tonnerre, et une frégate type Lafayette, en l’occurrence le Surcouf. Deux navires sur lesquels 148 jeunes de l’École Navale vont être amenés à parfaire leur formation. Moment fort de l’année dans le port militaire, le départ de cette mission Jeanne d’Arc a cette fois été un poil tronqué. Covid oblige, les familles ont dû se contenter du Mourillon pour agiter leurs mouchoirs. Les vrais au revoir avaient même été faits il y a dix jours, histoire de préserver un équipage majeur et vacciné des risques sanitaires. Pour le reste, la tradition a été respectée à la lettre, des uniformes fièrement alignés sur le pont jusqu’aux coups de canon, une fois larguées les amarres des bateaux de la Royale (voir par ailleurs).
Ses hélicoptères dehors, le Tonnerre s’est ensuite positionné en rade des Vignettes pour embarquer sa « batellerie » : des moyens amphibies comprenant un Edar et deux chalands de transport. A cet instant précis, la manoeuvre spectaculaire au cours de laquelle le navire s’enfonce pour laisser pénétrer l’eau dans le radier, par sa porte arrière grande ouverte, a dû être une sensation pour les élèves.
Exercices et opération dans les cartons
La première, immédiatement suivie par l’éloignement des côtes varoises, d’une longue série. Ils vont désormais traverser la Méditerranée, la mer Rouge, l’océan Indien et le Pacifique. Plus de cent jours de mer les attendent, une dizaine d’escales de l’Égypte au Japon, en passant par Djibouti, ainsi que des exercices avec des marines étrangères. Dans les cartons aussi : une participation à la lutte contre le terrorisme, avec l’intégration de la Combined Task Force 150 en océan Indien.
A leur retour, prévu le 14 juillet, ces jeunes femmes et hommes seront prêts à devenir des officiers de combat. Parmi eux, sans doute, des futurs commandants de frégates de premier rang. « Il y a peut-être au sein de cette promotion le pacha du porte-avions qui succédera au Charles-de-Gaulle, en 2038 », imagine l’amiral Vandier. Voire un futur chef d’État-major de la Marine, lui aussi formé à la grande école de la mer.