Var-Matin (La Seyne / Sanary)

La justice de proximité veut retrouver ses lettres de noblesse

- VINCENT WATTECAMPS

La justice est souvent critiquée pour sa lenteur. Sa lourdeur. Ses strates multiples dans lesquels se perd le citoyen. Dans cette lutte contre le temps - d’autant plus acharnée en cette période de Covid-19 - le parquet de Draguignan s’est vu proposer l’été dernier une nouvelle corde à son arc : délocalise­r la troisième voie, c’est-à-dire les procédures alternativ­es aux poursuites pénales, au plus près des communes. Grâce à l’appui de procureurs délégués au rôle de « courroies de distributi­on », les maires pourront par exemple fixer des rappels à la loi dans le cas de délits mineurs.

Rappels à la loi

Ce nouveau cadre a fait l’objet d’une convention signée jeudi matin au tribunal judiciaire de Draguignan par Richard Strambio et Didier Brémond, maires de Draguignan et Brignoles, ainsi qu’Annie Bezin, conseillèr­e municipale déléguée aux voisins vigilants et à la prévention de la délinquanc­e des mineurs de Saint-Raphaël. Ces communes, rejointes par Vidauban, Lorgues, Roquebrune et Le Luc, seront les premières à bénéficier de ce dispositif existant depuis une loi de 2007 mais aujourd’hui simplifié, et « sans doute plus efficace » estime le procureur Patrice Camberou.

« Notre but est que d’autres communes adhèrent à cette convention qui permet d’établir une réponse pénale concrète, rapide et locale, reconnaît ce dernier, tout en permettant au maire de se réappropri­er une parcelle d’autorité. » « J’ai eu l’occasion d’établir quelques rappels à la loi et je pense que cela a eu une réelle portée, confie pour sa part Richard Strambio. C’est très solennel. Pour des tapages nocturnes, des comporteme­nts irrespectu­eux, ce dispositif peut s’avérer efficace. Mais attention, le maire n’est pas le shérif de la ville. »

Un « circuit court de réponse pénale »

Dans les faits, lorsqu’une infraction est constatée, des référents au sein des commissari­ats et des brigades sont chargés d’apprécier si elle est susceptibl­e d’être traitées par une procédure de justice de proximité (1). Dès lors, et selon l’importance de l’infraction, des agents du greffe affectent le dossier au maire pour un rappel à la loi, à l’Associatio­n d’aide aux victimes d’infraction­s du Var (Aaviv) si une médiation est requise ou aux délégués du procureur. Dans ce dernier cas, une convocatio­n du mis en cause aura lieu et pourra déboucher entre autres sur un stage, un travail non rémunéré ou une remise en l’état. « L’objectif est de ne

Par la signature de son maire Richard Strambio, ici aux côtés du procureur de la République Patrice Camberou, Draguignan a rejoint la convention établissan­t les nouvelles règles de la justice de proximité.

pas laisser de côtés les petites infraction­s qui empoisonne­nt la vie, poursuit Patrice Camberou. Il faut tâcher de les traiter le plus rapidement possible, de manière pragmatiqu­e. Cette convention permet de mettre en place ce circuit court de réponse pénale. »

Un circuit qui a déjà trouvé un adepte en la personne de Didier Brémond. « Nous ne nous substituon­s pas à l’État, mais ce dispositif nous redonne un certain pouvoir de police que nous avions le sentiment d’avoir un peu perdu, explique le maire de Brignoles. Selon les délits, attendre six ou huit mois pour avoir un règlement devant le tribunal n’est parfois pas une bonne chose. Car entre-temps, la dispute entre voisins peut avoir dégénéré en rixe, voire en quelque chose de plus grave. » Signe de la volonté politique accompagna­nt ce protocole, le procureur de la République a vu ses équipes s’étoffer avec le recrutemen­t de trois délégués du procureur, de deux juristes assistants et de trois contractue­ls. La course contre le temps a un prix. Que la justice est prête aujourd’hui à payer. 1. Les infraction­s concernées sont les infraction­s contre les personnes, les biens, au droit pénal de la famille, la tranquilli­té publique et les atteintes à l’environnem­ent.

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