Roya : ces caméras qui exaspèrent Cédric Herrou
L’agriculteur, figure emblématique de l’aide aux migrants, a trouvé un nouveau dispositif de surveillance installé sur un sentier botanique près de Sospel. Cela s’était déjà produit en 2018
Il s’en amuse, Cédric Herrou. Lorsque voici quelques jours, il a découvert une caméra près de la voie ferrée, le long du sentier botanique d’un peu plus de deux kilomètres qui va d’Olivetta à Sospel, cela l’a ramené quelques mois en arrière. En 2018 déjà, autour de son terrain, il en avait « cueilli » une dizaine. Et à l’époque, en examinant les clichés figurant sur les cartes mémoires prélevées dans certains boîtiers, découvert qu’elles avaient été installées, selon lui, par des gendarmes mobiles. Celle qu’il a débusquée tout récemment « prend en photo et en vidéo l’accès à ce chemin botanique, précise celui qui est devenu au fil des ans l’une des figures emblématiques de l’aide aux migrants. On peut se demander évidemment si c’est la préfecture qui l’a placée là, à l’entrée d’un sentier certes emprunté par des touristes, mais aussi par des migrants. »
À qui sont-elles ?
En fait, l’agriculteur de la Roya ne se pose pas vraiment la question. Pour lui, la piste des gendarmes mobiles est la seule qui tienne la route, même s’il n’a plus en sa possession la preuve qui pourrait en attester… « J’avais des photos (Ndlr, récupérées en 2018 sur les cartes mémoires) mais je les ai perdues. » Alors, il s’interroge : « Avec quel argent ce matériel est-il acheté ? Et j’ai envie de prévenir les gens : attention s’il vous prend le désir de faire l’amour ou juste le besoin d’aller pisser dans la nature. On vous filme et on vous photographie. » Une boutade ? Pas certain et Cédric Herrou n’hésite pas à pointer du doigt le caractère « illégal » de la démarche. Car, en effet, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) a son mot à dire pour l’installation de caméras sur le domaine public. De plus, des panneaux visibles doivent être apposés à l’attention des usagers, les informant de leur présence, comme cela est le cas par exemple, sur les autoroutes. Quoi qu’il en soit, personne ne se bouscule au portillon pour revendiquer la propriété
Cédric Herrou.
de ce système de surveillance. Interrogée par nos confrères de Libération ,la préfecture a fait savoir que « ni les services de police ni de gendarmerie n’ont positionné de caméras sur les sentiers de montagne, près de la frontière intérieure franco-italienne, même si cela peut se faire ponctuellement dans le cadre d’enquêtes judiciaires. » Et selon elle, « le dispositif évoqué par Cédric Herrou appartient à la SNCF. » Laquelle affirme pour ce qui la concerne, qu’elle ne filme pas autour des voies mais utilise des appareils destinés à mesurer le mouvement des ouvrages ou à détecter une présence sur les voies. Quant à la possibilité qu’un chasseur ait lui-même voulu disposer un tel appareillage pour surveiller le passage d’animaux sauvages, elle ne tient pas la route.
Pas de plainte
Pour le coup, Cédric Herrou ne va pas déposer plainte. Il préfère consacrer son énergie au grand projet du moment : les travaux du local pour l’hébergement des Compagnons d’Emmaüs Roya, cette communauté, 12e du mouvement Emmaüs qui est aussi la première exclusivement paysanne. « On a acheté un bâtiment à Breil, rappelle l’agriculteur, mais entre la Covid et la tempête Alex, le chantier prend du temps. Tout est à refaire, l’électricité, la plomberie, etc. Mais les six compagnons devraient pouvoir emménager pendant l’été. »
Et comme il ne cesse jamais de dénoncer ce qui lui paraît injuste, l’homme a tout dernièrement posté un Tweet avec une photo montrant des câbles téléphoniques à terre, sur la route, écrasés par les voitures… « On n’a plus le téléphone ni la Wi-Fi, or cela est très important pour les compagnons. Les câbles, depuis, ont été poussés sur le côté mais ça ne fonctionne toujours pas. Franchement, c’est un peu vexant de se sentir ainsi négligés. C’est dingue. On a l’impression d’être au Far West. »