Le climat a changé

La justice n’est pas qu’une affaire cartésienne. Elle est sensible à l’air du temps et à l’humeur des hommes.

En deux ans, Georges Tron est passé de l’acquittement à trois ans de prison ferme. Un gouffre ! C’est peu dire que le climat actuel d’hypersensibilité aux violences faites aux femmes a joué un rôle dans sa condamnation. L’état d’esprit de la société a toujours pesé sur le cours de la justice, ce n’est certes pas une découverte.

En mars 1976, la condamnation à mort de Christian Ranucci pour le meurtre de la petite Marie-Dolorès Rambla, malgré des zones d’ombre persistantes, a largement répondu à la pression d’une opinion publique à cran après l’arrestation, le mois précédent, de Patrick Henry, meurtrier de Philippe Bertrand, un gamin de 7 ans. « La France a peur » , lançait alors Roger Gicquel en ouverture de son journal télévisé, tout en invitant à lutter contre les pulsions de justice expéditive qui montaient dans le pays.

Et si Patrick Henry, en janvier 1977, apoursapart échappé à la guillotine, il n’en fut pas seulement redevable au grand talent de Robert Badinter. L’exécution de Ranucci, six mois plus tôt, avait laissé planer un remords collectif sur fond de possible erreur judiciaire, une hypothèse relayée par la suite par Gilles Perrault dans Le Pull-over rouge.

Une chose est sûre désormais, plus personne ne pourra prétendre que les hommes politiques, et les puissants en général, sont au-dessus des lois. Au contraire, le pouvoir et la notoriété valent aujourd’hui circonstances aggravantes. On le constate affaire après affaire et dans des registres différents, de détournements de fonds en abus sexuels, de Fillon à Tron en passant par tant d’autres, les élus ont intérêt à bien se tenir. Leur obligation d’exemplarité n’est plus virtuelle. C’est un progrès démocratique. À condition de ne pas céder à une chasse aux sorcières revancharde.

« L’obligation d’exemplarité des hommes politiques n’est plus virtuelle. »