La semaine de Claude Weill
Lundi
Tandis qu’on débat des vices et vertus d’un passeport vaccinal qui permettrait aux heureux vaccinés de retrouver les salles de spectacle, d’autres idées fleurissent pour sauver la culture au temps de Covid. La plus audacieuse vient d’Aixen-Provence.
Pas question d’annuler une seconde fois le festival de Pâques. Renaud Capuçon et Dominique Bluzet ont décidé qu’il aurait lieu dans une version % numérique. Et gratuite, grâce au soutien de leur partenaire financier.
Du mars au avril, seize concerts seront retransmis en direct du Grand Théâtre de Provence. Une première en France pour un festival de musique classique. On se souviendra longtemps de cette étrange période où on travaillait dans sa chambre, où les étudiants suivaient leurs cours sans sortir de leur lit, et où on pouvait écouter Maria Joao Pires jouer dans son salon.
C’est pas pareil, diront les pisse-vinaigre. Non, bien sûr, sans public, c’est pas pareil. Et en même temps, c’est une idée formidable qui devrait inspirer beaucoup d’artistes et de créateurs. Tout plutôt que le silence et l’obscurité !
Mardi
Quelle sorte de salopard faut-il être pour lancer une cyberattaque contre un hôpital, au risque de mettre en danger la vie des patients ?
De quelle étoffe sont-ils faits, les lâches qui profitent de ce que les systèmes hospitaliers sont fragilisés par la crise sanitaire pour tenter de les rançonner ?
D’un virus à l’autre. Une crise dans la crise. Depuis le début de la pandémie, la cybercriminalité flambe. Le nombre d’attaques aurait quadruplé en .
Une sur dix viserait les hôpitaux, qui n’ont pas toujours les moyens de se défendre, ni la culture de la sécurité qui règne dans des secteurs a priori plus exposés (la finance ou la défense, par exemple). Aujourd’hui, c’est l’hôpital de Villefranche-sur-Saône qui est ciblé.
La semaine dernière, celui de Dax. Le Parquet enquête. Les investigations aboutiront-elles ?
Il est très difficile de remonter la piste jusqu’aux cerveaux de ces opérations, redoutablement habiles, qui agissent le plus souvent depuis l’étranger, en particulier les pays de l’Est.
Les « rançongiciels », selon l’horrible vocable en usage (ransomware en anglais), sont le continent noir du crime organisé. On ne connaît pas le nombre d’attaques en France et dans le monde. On ignore combien de victimes paient la rançon et ne portent pas plainte, afin de ne pas alerter leurs clients ou usagers. Ce qu’on sait, c’est que tout le monde peut être visé : particuliers, entreprises, administrations. Et que cette industrie du crime . ne cesse de gagner en sophistication et en professionnalisme. Seules une coopération internationale renforcée et de très lourdes peines permettraient de casser l’expansion de ce business.
En attendant, il reste aux victimes potentielles à élever tant que faire se peut leur niveau de protection.
Cybercriminalité contre cybersécurité : éternelle dialectique du glaive et du bouclier.
Jeudi
Justice pour le pangolin ! Il y a un an, nous découvrions à la fois son existence et sa responsabilité dans la pandémie de coronavirus.
À tout malheur il faut un responsable à blâmer : nous blâmâmes le pangolin.
Nous avions tort. Selon les premières conclusions de la mission d’enquête de l’OMS en Chine, on aurait calomnié l’étrange bête (« un artichaut à l’envers », disait Pierre Desproges).
Les soupçons se tournent désormais vers une non moins étonnante et exotique créature : le blaireau-furet de Chine. Soyons plus précis : un mammifère carnivore de la famille des mustélidés. Une quarantaine de centimètres de long, queue touffue, tête triangulaire et – si je peux me permettre – carrément antipathique. Mais je ne suis pas objectif… Il paraît que les Chinois le chassent pour sa fourrure et sa chair. Ceci pouvant expliquer cela.
Le bon côté du Covid - de « la » Covid, si vous y tenez -, c’est qu’il nous a permis de faire des progrès spectaculaires dans toutes sortes de disciplines scientifiques.
En un an, nous sommes tous devenus épidémiologistes, virologues,
infectiologues, vaccinologues. Nous savons situer Wuhan (Hubei) sur la carte et dater la grande peste de Marseille (). Et nous voilà zoologistes, spécialistes des bêtes bizarres d’Asie du Sud-est.
Vendredi
Laquelle est la plus émouvante, la plus grisante, des images envoyées de Mars par Perseverance ? Peut-être celle - la première en couleur - où l’on voit l’ombre du véhicule se dessiner sur sol, et à l’horizon, la silhouette d’une falaise.
Voilà, nous y sommes. On a marché sur Mars. Enfin presque… Les voyages habités, c’est pour , . C’est demain ! Fantastique perspective. Homo sapiens, ce bipède malingre, ce singe nu que le hasard et la nécessité ont jeté il y a peut-être ans sur un satellite du soleil n’habite plus seulement la terre : il habite le système solaire. La science-fiction, c’est maintenant. Mais dans un scénario inversé par rapport aux romans d’anticipation de notre enfance, où d’autres civilisations venaient nous visiter.
Là, c’est nous les voyageurs de l’espace : les visiteurs.
On rêverait de savoir ce qu’a pensé le petit homme vert qu’on ne voit pas sur la photo, caché dans une anfractuosité rocheuse, quand il a vu atterrir (amarsir ?) cette étrange machine tombée du ciel.
« À tout malheur il faut un responsable à blâmer : nous blâmâmes le pangolin.
Nous avions tort. »