Loup de Valberg : « Comme un sous-marin nucléaire »
Un loup disparu des radars, des appels anonymes, un collier GPS déposé chez un berger et des rumeurs dans tous les sens… La mort supposée de cet animal prend des airs d’affaire d’État
C’est comme « parler d’un sous-marin nucléaire » .Ou encore de « la fille cachée de Mitterrand ». Pour une fois, défenseurs de l’environnement et fédérations de chasseurs s’entendent sur leurs positions : dénoncer «le silence assourdissant » de l’État autour de celui qu’on appelle le loup de Valberg. Cet animal protégé a été capturé en novembre 2019 par l’Office français de la biodiversité (OFB) alors qu’il errait, famélique, dans les rues de la station de ski du haut pays niçois.
Après avoir été soigné, il avait été relâché dans les Alpes, avec un collier GPS. Il était alors le seul en France à en porter un. C’est ce qui avait permis aux chasseurs de la Drôme de l’identifier, sur une photo prise sur le secteur de Plande-Baix, le 28 octobre dernier. En décembre, Roger Mathieu, membre de France nature environnement (FNE) et habitant le secteur, reçoit un appel anonyme : l’animal aurait été abattu. Et c’est dans ce village que, le 22 janvier, le collier a été déposé chez un ancien berger, Michel Castro. Avec pour consigne de le donner à l’OFB. Ce qu’il fait. Le corps, lui, est toujours manquant.
« En cinquante ans, je n’ai jamais vu ça »
Dans la foulée, une enquête a été ouverte sous l’autorité du procureur de Valence, pour déterminer les conditions de la mort de l’animal. Ce qui coupe définitivement la maigre communication. Depuis, les esprits tournent à vide et les rumeurs s’enflamment. Dernière en date : le loup était en fait mort il y a bien longtemps, mais le collier a été mis sur un autre animal de la Drôme. « En cinquante ans de militantisme, je n’ai jamais vu ça, c’est une histoire de fou », hallucine Roger Mathieu.
Ses questions s’empilent au fil des jours : le loup est-il mort ? Quand le collier GPS a-t-il cessé d’émettre ? Pourquoi ne jamais avoir communiqué sur les données ? Dans son premier communiqué, il affirmait que le collier était arrivé à ce berger parce que c’est un défenseur de la cohabitation avec le prédateur. Mais il n’est plus sûr de rien.
« Il ne s’est pas enlevé le collier lui-même ! »
Dans les années 1990, Michel Castro était venu à Roquebillière, dans les Alpes-Maritimes, pour faire l’expérience du pastoralisme en présence du prédateur, qui venait de revenir en France, par le Mercantour. « Ce n’est peut-être pas neutre si on m’a amené le collier. Si on avait voulu que ça reste caché, le collier aurait disparu », réfléchit celui qui dit s’intéresser à son environnement, sans militantisme. En amenant « la pièce à conviction » à l’OFB, il a lancé la machine judiciaire : « Deux heures après, les agents étaient à la mairie. »
« C’est une belle histoire, celle d’un loup soigné, ensauvagé, qui finit mal, interprète-t-il. Elle dévoile surtout de gros dysfonctionnements : l’OFB n’était pas au courant que le loup était mort. Et pourquoi tant de choses cachées ? Du coup, on peut tout interpréter. Mais ce n’est quand même pas le loup qui s’est enlevé lui-même le collier ». Difficile, pour lui et pour l’association écologiste, d’envisager qu’il n’a pas été tué. « Et qui tue les loups, si ce n’est les chasseurs et les braconniers ? » Rémi Gandy, patron des chasseurs locaux, s’en est défendu dans le Dauphiné libéré : « Ça n’a pas de sens ! Sa mort peut très bien provenir d’une meute de loups [...]. Il a aussi pu être percuté par une voiture. » Les deux camps ne peuvent pas non plus s’entendre sur tous les points.