Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Arrêter de boire c’est ça la vraie rébellion !»

À 37 ans, Claire Touzard a décidé d’en finir avec l’alcool. Cette journalist­e savoure, aujourd’hui, une année de sobriété qu’elle décrit dans un livre confession en forme de journal d’un sevrage.

- PROPOS RECUEILLIS PAR ANNE-SOPHIE DOUET (Agence locale de presse)

Votre livre s’achève à la fin de l’été 2020. Où en êtes-vous de votre sevrage aujourd’hui ?

Je n’ai pas bu une goutte d’alcool depuis et puis je suis devenue maman à Noël ! J’ai le sentiment – même si je touche du bois – que le plus dur est vraiment derrière moi. Je ne pense plus du tout à boire.

Quel a été le déclic ?

J’ai eu envie que ma vie change. Je me rendais bien compte que j’allais trop loin. À l’époque, j’étais célibatair­e, je sortais, mais il m’arrivait aussi de boire seule, chez moi. Les jours « sans » étaient devenus très rares. Et puis, j’ai rencontré quelqu’un. Et la première fois où je me suis retrouvée ivre devant lui a agi comme un déclic : je devais arrêter.

Pourtant vous « présentiez bien » à l’opposé du cliché de la « pochtronne » négligée…

Oui, je remercie la génétique, mais il est vrai que j’ai un physique athlétique, une peau qui ne trahit pas mes excès. Au point d’ailleurs que, après une interview en vidéo, des gens m’ont dit que ce que je racontais de ma consommati­on ne pouvait pas être vrai, que j’étais trop « fraîche » pour sortir de 22 ans d’alcool. Je pense juste que je me suis arrêtée à temps. Si j’ai pu cacher mon alcoolisme, c’est parce que je vivais seule, que mon boulot me faisait souvent voyager à l’étranger. Cela ne m’empêchait pas d’avoir honte de passer chez le caviste acheter une bouteille, en prétextant un dîner entre amis...

Vous dites que l’alcool vous aidait à échapper à une féminité un peu encombrant­e. Qu’est-ce à dire ?

J’ai toujours eu du mal avec la féminité. Pour moi, l’alcool servait d’arme pour casser les codes convention­nels de la féminité : j’avais l’impression que je m’émancipais en buvant trop, en buvant comme un mec. L’alcool, pensais-je, me rendait moins lisse, plus puissante. Beaucoup de femmes, comme moi, s’emparent de l’alcool pour son supposé rôle émancipate­ur.

C’est évidemment un leurre.

Vous pensiez être plus forte alors que l’ivresse vous détruit en somme...

Oui, je revois le film de tout ce que j’ai fait sous alcool pendant toutes ces années… Et tous ces lendemains où l’on réalise ce qu’il s’est passé la veille, ce regard de dégoût que l’on pose alors sur soi. Beaucoup de gens pensent que l’alcool les inspire. Moi, je n’ai pas l’impression que ça rend intelligen­t. Tout ce que j’ai écrit bourrée, c’était très mauvais !

Quels bénéfices retirez-vous après un an de sobriété ?

J’ai meilleure mine, j’ai perdu un peu de poids, mais surtout je suis en forme. Avant, j’étais en gueule de bois, ou a minima fatiguée par la consommati­on de la veille, un jour sur deux. Quand on boit, on pense que c’est un moyen de déstresser, de décompress­er. En fait, ça ne fait que mettre de l’acide sur nos plaies.

Vous racontez que certains de vos proches ont été étonnés de votre annonce. La sobriété est parfois mal vue…

Oui, c’est parce que quand on annonce qu’on arrête de boire, on tend un miroir à l’autre. On l’oblige à regarder en face sa propre consommati­on. Et puis, en France, les gens qui ne boivent pas d’alcool sont toujours les culsbénis, les chiants. Dans l’imaginaire collectif, les bons vivants, les sympas, les drôles, les cools sont ceux qui boivent… C’est ce que je croyais aussi.

En fait, la sobriété, dites-vous est bien plus subversive qu’on ne le pense…

Oui, arrêter de boire, c’est ça la vraie rébellion ! L’abrutissem­ent, ce n’est pas subversif. Arrêter l’alcool, c’est vivre sous une forme plus pure. Je me redécouvre depuis un an. J’ai repris le pouvoir sur moi-même. Je suis connectée à mes émotions. L’alcool prenait trop de place, générait tant de honte, d’oublis, de fatigue et de nervosité… Vraiment, la liberté, c’est de ne plus boire.

Sans alcool, aux éditions Flammarion, 19,90 €

“J’avais l’impression que je m’émancipais en buvant trop, en buvant comme un mec.”

 ?? (Photo Alexandre Tabaste) ?? « Dans l’imaginaire collectif, les bons vivants, les sympas, les drôles, les cools sont ceux qui boivent… C’est ce que je croyais aussi », confie Claire Touzard.
(Photo Alexandre Tabaste) « Dans l’imaginaire collectif, les bons vivants, les sympas, les drôles, les cools sont ceux qui boivent… C’est ce que je croyais aussi », confie Claire Touzard.

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