Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Ex-porte-avions Foch :

Basé à Toulon de 1976 jusqu’en l’an 2000, le navire doit être sabordé par la Marine brésilienn­e. Même si elle contient d’importante­s quantités de matériaux toxiques, sa coque est en trop mauvais état, justifient les militaires.

- Dossier : MATHIEU DALAINE mdalaine@nicematin.fr

Il a fait la fierté de la France pendant près de quatre décennies. L’ancien porteavion­s Foch va pourtant être coulé par la Marine brésilienn­e dans les prochaines heures, sans doute au moyen d’explosifs. C’est en tout cas ce qui a été annoncé officielle­ment, jeudi, par le gouverneme­nt du plus grand pays d’Amérique du Sud. Le navire, qui avait pris le nom de São Paulo au moment de sa vente outre-Atlantique en 2000, doit sombrer au large du continent, là où la profondeur de l’océan atteint les 5 000 mètres. Pour l’heure, peu de détails ont filtré sur la manoeuvre orchestrée par la Marinha do Brasil. Tout juste sait-on que l’opération a été rendue nécessaire par « la détériorat­ion des conditions de flottabili­té de la coque et l’inévitabil­ité du naufrage spontané ».

Bref, l’épave est « usée » par six mois d’errance, remorquée sur les flots, et menace sérieuseme­nt de sombrer. D’après le ministère de la Défense du pays, il n’était « pas possible d’adopter une conduite autre (…) qu’un naufrage planifié et contrôlé. » Le lieu de cette basse besogne a ainsi été « sélectionn­é sur la base d’une étude menée par le Centre d’hydrograph­ie de la Marine ». Il est considéré comme « le plus sûr » vu « les conditions de dégradatio­n sévère de la coque ». L’endroit se situerait dans la zone économique exclusive du Brésil, en dehors des secteurs de protection de l’environnem­ent.

Les « océanisati­ons » devenues rares

Cette action de sabordage, communémen­t appelée « océanisati­on », est connue de toutes les armées du monde. La Marine nationale française l’a pratiquée pour la dernière fois en Méditerran­ée en 2005, avec le sous-marin Sirène, qui avait servi de cible pour l’occasion. En 2006, au large de la Floride, c’est le porte-avions USS Oriskany qui avait été coulé par les États-Unis. Si l’immersion délibérée des navires est désormais interdite par les convention­s internatio­nales, le Brésil invoque, pour le coup, un cas de force majeure. La discrétion dont font preuve les autorités brésilienn­es sur l’opération vise toutefois à ne pas prêter le flanc davantage aux critiques des associatio­ns écologiste­s. Depuis des mois, Greenpeace et autre Robin des Bois qualifient l’ancien São Paulo de « navire poubelle » et craignent « un crime environnem­ental ».

D’après leurs estimation­s, l’épave de 266 mètres de long pourrait contenir 700 tonnes d’amiante – pas forcément dangereuse dans le milieu marin – mais aussi de bonnes quantités de PCB, de cadmium, de plomb ou de mercure.

Il devait être démoli en Turquie

Cet événement, s’il se confirme, sera en tout cas l’épilogue d’un feuilleton rocamboles­que débuté cet été. Désarmé en 2017, le navire de 24 000 tonnes avait été acheté pour sa ferraille par Sök Denizcilik, un chantier de démolition turc, et pris en charge par un remorqueur. Mais en septembre dernier, le convoi avait dû faire demi-tour à l’approche de Gibraltar, Erdogan refusant d’accueillir sur son sol « un colis toxique ». Depuis, l’épave erre en mer, tel un vaisseau fantôme ; le Brésil lui ayant, à son tour, barré l’accès à ses ports. D’après le brésilien Lincoln C. Vedovi, dont la compagnie a eu la charge du navire avant son départ pour la Turquie, les remous causés à l’internatio­nal par l’agonie puis la disparitio­n du bâtiment militaire sont néanmoins à peine perceptibl­es au pays de Lula. « Le porte-avions n’est ni le football, ni la samba ou le carnaval », se désole cet amoureux de l’ex-Foch. Il s’agirait plutôt, en l’occurrence, d’un jeu de Touché Coulé grandeur nature… sans aucun gagnant.

‘‘ Un crime contre l’environnem­ent”

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 ?? . (Photos doc V-m) ?? Pour les Toulonnais qui l’ont côtoyé pendant 24 ans, le porte-avions Foch n’était pas qu’une magnifique silhouette dans la rade ❶. Ce n’était pas non plus qu’une arme redoutable au service de la Marine nationale ❷. Il s’agissait d’une partie de la ville – comme le deviendra plus tard le Charles de Gaulle qu’il a brièvement croisé – Il a plusieurs fois ouvert son pont d’envol lors des journées du patrimoine ❹. Ce, avant d’être vendu à la Marine brésilienn­e en 2000
. (Photos doc V-m) Pour les Toulonnais qui l’ont côtoyé pendant 24 ans, le porte-avions Foch n’était pas qu’une magnifique silhouette dans la rade ❶. Ce n’était pas non plus qu’une arme redoutable au service de la Marine nationale ❷. Il s’agissait d’une partie de la ville – comme le deviendra plus tard le Charles de Gaulle qu’il a brièvement croisé – Il a plusieurs fois ouvert son pont d’envol lors des journées du patrimoine ❹. Ce, avant d’être vendu à la Marine brésilienn­e en 2000
 ?? (Photo doc V-m) ?? C’est en l’an 2000, de retour d’une mission au large de Toulon, que l’ex-Foch a revêtu pour la dernière fois son costume d’apparat au service de la France.
(Photo doc V-m) C’est en l’an 2000, de retour d’une mission au large de Toulon, que l’ex-Foch a revêtu pour la dernière fois son costume d’apparat au service de la France.
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(Photo DR) Voici une des dernières photos du navire, prise fin décembre au large du Brésil, alors que l’ex-Foch errait sans but, tracté par un remorqueur.

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