Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Toulonnais­e

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Sorti des chantiers navals de l’Atlantique, à Saint-Nazaire, en 1963, le porteavion­s Foch n’en a pas moins pris l’accent provençal au fil des ans. D’abord basé à Brest, ce fleuron de la Marine nationale (avec son sistership le Clemenceau) a eu Toulon pour port d’attache de 1976 à 2000. Et c’est bien là, au pied du Faron, qu’il a le plus marqué les esprits.

Eu égard à son CV, d’abord. Le navire a ainsi participé à plusieurs missions emblématiq­ues. Citons les campagnes d’essais nucléaires dans le Pacifique ou Olifant au large du Liban. Mais plus récemment, ce sont surtout les opérations en ex-Yougoslavi­e dont on se souvient.

Pièce maîtresse de la mission Trident en 1999, pour protéger la population kosovare, le Foch passera ainsi 119 jours en mer, durant lesquels ses Super Étendard enchaînero­nt les raids aériens. À son retour, les Varois lui réserveron­t un accueil triomphal.

Johnny, le ciné… et des projets de musée

Pour la population toulonnais­e, il est bien plus qu’un bateau gris. Partie intégrante du paysage, il a même servi à plusieurs reprises de salle de concert ! C’est ainsi que le 26 septembre 1979, à l’occasion des festivités du bicentenai­re de la Marine, Johnny Hallyday vient y pousser la chansonnet­te pour une émission télé devant 200 marins conquis. Rebelote en 1988 avec d’autres « stars », dont Samantha Fox et… Dorothée.

Pour l’anecdote toujours, le Foch apparaît dans le film USS Alabama, tourné en 1995 ; la Marine prêtant le porte-avions pour deux jours. Alors qu’au crépuscule des années 90 se profile sa fin de vie, les politiques locaux tentent de le garder sous le coude, imaginant une reconversi­on civile pour ce pan du patrimoine toulonnais. Mais ni le député-maire de La Seyne Arthur Paecht, ni le président du conseil général de l’époque Hubert

Falco, ne parviendro­nt à concrétise­r ce grand projet de musée flottant de l’aéronavale.

Un départ déchirant

Le porte-avions sera finalement vendu au Brésil pour la bagatelle de douze millions de dollars. Le jour de son appareilla­ge au pied du Faron, le 2 novembre 2000, la population envahit le littoral pour un dernier au revoir, vécu comme une déchirure.

Les marins font grise mine. L’amiral Jean Moulin, commandant la Force d’action navale, se lâche : « On ne se sépare pas d’un enfant tel que le Foch sans une fêlure au coeur. » Un avis partagé par le demi-millier de marins venus sur le quai d’honneur faire leur adieu à un bâtiment hors du commun qui, durant 37 ans, a porté haut les couleurs de la France sur toutes les mers du globe.

Rebaptisé Nae São Paulo, celui qui était alors le plus ancien porte-avions encore en activité ne rendra jamais de fiers services au drapeau auriverde. En 2004, l’explosion d’une de ses chaudières cause même la mort de trois personnes. En 2017, une opération de modernisat­ion, rendue nécessaire par les soucis techniques, sera finalement

jugée trop onéreuse, convainqua­nt le Brésil de s’en séparer. Depuis son départ de Toulon, le São Paulo n’aura passé que 206 jours à la mer.

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 ?? (Infographi­e Rina Uzan) ?? C’est au large du Pernambuco qu’il erre depuis des mois, les ports brésiliens lui interdisan­t l’accès. Et c’est peut-être là aussi, à 350 kilomètres des côtes, où l’océan atteint des profondeur­s importante­s, qu’il sera finalement coulé.
(Infographi­e Rina Uzan) C’est au large du Pernambuco qu’il erre depuis des mois, les ports brésiliens lui interdisan­t l’accès. Et c’est peut-être là aussi, à 350 kilomètres des côtes, où l’océan atteint des profondeur­s importante­s, qu’il sera finalement coulé.
 ?? (Photo d’archive V-m) ?? À chaque départ ou arrivée de mission, la foule des Toulonnais se pressait sur le rivage pour admirer la « bête » de 24 000 tonnes. Ici, en 1999, après 129 jours passés en Adriatique.
(Photo d’archive V-m) À chaque départ ou arrivée de mission, la foule des Toulonnais se pressait sur le rivage pour admirer la « bête » de 24 000 tonnes. Ici, en 1999, après 129 jours passés en Adriatique.

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