Var-Matin (La Seyne / Sanary)

« Paco Rabanne a créé sa dernière robe chez moi »

Ada Loumani, artiste verrier de Valbonne, a très bien connu Paco Rabanne. Le grand couturier s’est éteint à l’âge de 88 ans et lui laisse de beaux souvenirs de créations communes.

- ? MARGOT DASQUE mdasque@nicematin.fr

Le divinateur de la mode s’est éteint. Depuis l’annonce hier du décès de Paco Rabanne, à 88 ans dans le village de Portsall, en Bretagne, où il habitait, Ada Loumani est sous le choc. Verrier à Valbonne, l’artiste a collaboré avec le créateur de 2005 à 2017. Une belle histoire qui a débuté grâce à… la soeur du grand couturier : « Elle m’avait acheté une pièce et l’a exposé chez elle, dans sa maison d’Antibes. Quand il est allé lui rendre visite, sa curiosité a été piquée par ma technique de peinture suspendue dans du verre épais. »

Un jour de 2005, il reçoit un appel : « On me demande si je serai encore à l’atelier dans une demi-heure. Je réponds que oui, et on ne m’en dit pas plus. » Il découvre le parfumeur de renom sur le pas de sa porte : « C’était hallucinan­t ! »

« On faisait dix pièces par an »

Promenant son regard sur la production du Valbonnais, il engage la

conversati­on sur le savoir-faire que requiert un tel art. « Il en savait autant que moi sur le verre… Je pensais qu’il avait appris sa leçon avant de venir. Mais non, c’était un érudit. Il avait une connaissan­ce, une culture générale impression­nante. » Connu pour son cheminemen­t spirituel et ses croyances en l’existence

de vies antérieure­s, Francisco Rabaneda y Cuervo – son nom à l’état civil – explique son attirance pour le feu : « Il m’a dit que parmi ses vies, il était maître verrier sous les doges de Venise. » Une connivence naît entre les deux hommes. Tout de suite, l’envie de réaliser des oeuvres ensemble apparaît. « On faisait dix pièces par an. D’après ses dessins qu’il m’emmenait. Elles n’étaient pas à la vente, mais juste pour lui. » Des exposition­s sont organisées au Moulin, place de l’église. Un lieu riche en vibrations qui accueiller­a même le roi des podiums pour une nuit : « En tant qu’insomniaqu­e, il m’a demandé de dormir ici, dans mon atelier. Il disait sentir que le lieu était habité… Le lendemain, il y a réalisé sa dernière robe. »

« Cela sonnait comme un adieu »

Hors norme, exubérant, l’homme était surtout accessible, raconte Ada Loumani : « Quand il venait, on prenait le café au village, il saluait tout le monde. » Bien loin du génie se claquemura­nt dans sa tour de cristal. Même si, depuis des années il avait quitté la scène médiatique, après ses prédiction­s s’étant révélées fausses (crash de la station spatiale Mir, apocalypse le 11 août 1999 à 11 h 22…) : « On mangeait à

La Colombe d’Or à Saint-Paul-deVence, et il m’a demandé ce que je pensais de tout cela. Je me suis retrouvé coincé ! Alors j’ai répondu par l’humour : “Quand les gens disent des cagades pareilles, nous, on dit qu’ils ont trop pris le soleil !” Il a trouvé une pirouette, on a ri. Mais ce que je peux vous dire, c’est qu’il avait fait ça en pensant aider les gens. » Engagé, le roi de la robe métallique se sentait investi d’une mission : « Il a aidé beaucoup de gens. » La dernière fois qu’il lui a parlé ? Très récemment, au téléphone, pour lui souhaiter ses meilleurs voeux. « J’attendais qu’il aille mieux pour qu’il puisse revenir ici. Quand il m’a dit : « Au plaisir de se revoir », j’avais un petit pressentim­ent. Cela sonnait comme un adieu. » Mais estce vraiment l’épilogue de Paco Rabanne ? Une autre existence ne l’attend-elle pas ? « Il m’a dit que c’était sa dernière vie. » La plus belle, peutêtre

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(Photo d’archives A. B.-J.) Ada Loumani et Paco Rabanne ont collaboré pendant plusieurs années.

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