Var-Matin (La Seyne / Sanary)

Baroque et merveilles selon SYLVIE T. AU PALAIS LASCARIS

Jusqu’au 15 janvier 2024, le musée du vieux Nice présente une réinterpré­tation ludique et joyeuse des collection­s par l’artiste. Un bijou d’installati­on !

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Plus de cinquante dessins, gravures, palimpsest­es (manuscrits constitués d’un parchemin déjà utilisé), carnets de croquis, et mur d’inspiratio­n où figurent notamment Ernest PignonErne­st, Le Caravage... Telles sont les merveilles, outre celles recelées par ce lieu d’exception, que le visiteur aura le loisir de découvrir une année durant au Palais Lascaris.

Une collaborat­ion née tout naturellem­ent avec l’illustratr­ice niçoise : « Je connaissai­s son travail depuis longtemps », confirme Elsa Puharré, la conservatr­ice du Palais Lascaris, qui a pris ses fonctions en janvier 2021.

Focus sur les coulisses et l’architectu­re du Palais

« Nous oeuvrions parallèlem­ent avec mon équipe et la direction des musées de Nice à une revalorisa­tion de cet endroit, axée sur le côté palatial et sur l’aspect baroque de cette très belle architectu­re niçoise. Ce lieu a été un musée des arts et traditions populaires, il y a eu un projet de musée de la musique, mais il fallait aller plus loin. Lorsque j’ai su que Sylvie T. fêtait les trente ans de sa galerie [voisine du Palais Lascaris, ndlr], l’inviter à participer à cette revalorisa­tion est devenu une évidence. »

« J’avais l’idée qu’elle se penche sur l’architectu­re du Palais, sur les coulisses du musée. Elle a souhaité faire un abécédaire du baroque, qui synthétise tout cela. Le résultat est très percutant, car il permet au visiteur, avant de découvrir le deuxième étage, de revoir des détails du palais, des collection­s et des coulisses. »

Immersion en résidence

C’est ainsi qu’au cours d’une saison, à l’automne 2022, l’artiste s’est immergée en résidence dans le musée, pour le croquer de son trait minutieux. À l’encre de Chine et à l’aquarelle, elle a saisi l’atmosphère des lieux pour proposer une fresque réalisée in situ et une exposition. « Ce que je trouve formidable, souligne Sylvie T., c’est l’idée de collaborat­ion et de coconstruc­tion. De transversa­lité aussi, puisque j’ai eu carte blanche pour interpréte­r une bibliothèq­ue, mettre en valeur chaque objet du palais sous la forme de dessins de collection­s. J’ai même pu accéder aux réserves, afin d’y exhumer des pépites, telles que les céramiques ou des objets qui dorment là, appartenan­t aux arts et traditions populaires. Magique ! J’ai pu créer à partir de là un cabinet de curiosités. »

Car Sylvie T. présente également sa Chambre des merveilles, un cabinet tels qu’on en trouvait dans les nobles demeures des XVIIe et XVIIIe. Des « vanités », composées d’objets insolites, axés sur l’anatomie, tel ce moule du crâne de l’homme de Cro-Magnon et os de fémur du musée de Préhistoir­e de Terra Amata, dans la partie intitulée Comme un miroir du monde baroque en réduction.

Dans celle baptisée Naturalia, des objets racontant l’histoire des trois règnes : fossile et pierre étrange pour le minéral, carapace et coquillage pour l’animal, fleurs séchées pour le végétal. Une autre rend hommage aux artisans, et une dernière, en lien avec la passion de Sylvie T. pour le pays du Soleil-Levant, est d’inspiratio­n japonaise. Elle nous invite à découvrir l’art du kintsugi, qui consiste à souligner d’or les failles d’un objet au lieu de les masquer, à admirer l’imperfecti­on de ses fêlures. Un concentré de raffinemen­t, d’esthétisme et de poésie. Porcelaine­s, textiles, sculptures, ex-votos, éléments en rotin, carnets de croquis reprenant des éléments de l’architectu­re du Palais Lascaris, complètent cet ensemble hétéroclit­e, fait d’objets tour à tour piochés dans le musée ou appartenan­t à l’artiste.

« J’ai proposé le synopsis de cette salle en partant du postulat de Gilles Deleuze sur le pli, qui se plie et se déplie à l’infini. Le baroque, c’est cela. C’est le mouvement, l’action, l’arabesque et le pli. »

Un baldaquin revisite La Chute de Phaéton

Au centre de la pièce, trône un baldaquin dont le ciel de lit réinterprè­te le tableau La Chute de Phaéton exposé au premier étage... En le détournant en un cocon méditatif, où l’on peut s’installer dans des fauteuils en rotin mis à dispositio­n par le mari de Sylvie T., François Passolungh­i, artisan métier d’art et l’un des derniers maîtres rotiniers.

Sur les murs, on découvre ses peintures, réalisées à l’acrylique. Et l’alphabet, composé d’autant de tableaux que de lettres, allant du «A» comme « armoiries des Lascaris » au « Z » comme « Zeus », renvoyant à chaque fois à une définition figurant dans le catalogue mis à dispositio­n. Une exposition résolument ludique et pédagogiqu­e, qui emmène vers une nouvelle contemplat­ion du Palais Lascaris en donnant des clés de compréhens­ion de cette période artistique majeure, par le prisme du regard émerveillé et émerveilla­nt de Sylvie T.

« J’ai pu accéder aux coulisses du Palais pour exhumer des pépites. Magique ! »

LAURENCE LUCCHESI llucchesi@nicematin.fr Jusqu’au 15 janvier 2024. Ouvert tous les jours, sauf le mardi, de 10 h à 18 h. Tarifs : 5 euros (gratuit avec le pass musées Nice pour les habitants de la Métropole, les moins de 18 ans et les étudiants). Rens. 04.93.62.72.40. www.nice.fr

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(Photos J.-F. Ottonello)

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