LE RETOUR DE L’EVEREST
Pour les deux summiters, l’Everest sera un tournant de la vie. L’expédition est fêtée comme il se doit, mais les turpitudes qui avaient entouré son départ refont surface. Les enjeux nationalistes s’emparent du sujet, de tous côtés. Tenzing ne possède ni la nationalité indienne, ni la nationalité népalaise. À son insu, il représente un enjeu important, comme membre de la cordée victorieuse, et non-membre du Commonwealth. Des journalistes voudront lui faire dire qu’il a guidé les Britanniques, on insistera pour savoir lequel, de Tenzing ou d’Hillary, est arrivé le premier au sommet, alors qu’ils ont décidé de taire ce détail… Plus agréable pour Tenzing, une collecte est organisée en Inde à son profit. Le produit en sera suffisant pour qu’il se fasse construire une maison. En Angleterre, John Hunt et Edmund Hillary sont anoblis. Tenzing aura droit à la George Medal. Une haute distinction, mais il est traité différemment d’Hillary… Ici intervient officiellement le flou qui entoure la nationalité de Tenzing. Il n’empêche, le malaise persiste. Hillary lui-même écrira plus tard : «Tenzingauraitdûêtrehonorédelamêmefaçon quemoi.Ilauraitportél’anoblissementavecune grandedignité.» Occasion manquée… Tenzing sera remarqué et décoré par Nehru, qui en fera un symbole de la fierté indienne. Il fondera l’Himalayan Institute, qui formera les Sherpas à l’alpinisme, puis une agence de trekking, Tenzing Norgay Adventure. Son compagnon de cordée, Edmund Hillary, après quelques autres expéditions au Népal (au Makalu notamment, en 1954), et une aventure au pôle Sud, se tourne vers le Népal où il avait vécu le point culminant de sa carrière d’alpiniste. Il crée l’Himalayan Trust, qui construira des écoles et des hôpitaux en pays sherpa. Ainsi, les deux alpinistes qui avaient, les premiers, touché le toit du monde, firent- ils cordée, chacun de leur côté, au service du peuple sherpa. Au moins l’histoire aura-t-elle permis à deux hommes remarquables d’atteindre la plus haute cime de la planète. Le souvenir de Tenzing et Hillary gagnerait à être rappelé à ceux qui aujourd’hui foulent le sommet de l’Everest sans se poser les questions de respect et de solidarité qu’un si haut lieu devrait imposer.