Vertical (Édition française)

Norvège : cascades XXXL

Bigwalls,

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Si El Capitan est la Mecque des le Sognefjord est celle des grandes cascades. Les flancs abrupts de cet immense fjord sont rayés de longs traits de glace. Les cascades de plus de 500 mètres sont légion et offrent une escalade unique où tout sera proportion­nel à la dimension de la ligne : des méduses de 30 mètres de diamètre, des pétales à 45° de 10 mètres d’avancée, des cigares de 75 mètres de haut et 20 de large…

La Norvège est un grand pays. Il s’étire sur 2 500 kilomètres du sud au cap Nord, entre 58° N et jusqu’à la latitude extrême de 71°N. Ses côtes sont déchiqueté­es, déchirées par de profondes entailles : les fjords. Un grand pays avec de grandes falaises se jetant dans la mer. L’hiver, selon les caprices de la météo, des cascades de glace se forment. Ce royaume possède sans doute le plus gros potentiel en terme de cascade. Les latitudes sont propices au froid hivernal, de grandes pentes de neige dominent des falaises de granite de toutes dimensions. Mais l’escalade y reste confidenti­elle; seuls trois topos existent pour cet immense pays : Rjukan, Hemsedal et Setesdal. Quelques récits d’ascensions sont disponible­s ici ou là sur la toile. L’absence de littératur­e n’est pas un inconvénie­nt. Il suffit de rouler et de lever les yeux pour repérer des lignes, souvent juste au-dessus de la voiture. On ne sait jamais trop si la ligne a déjà été faite, et c’est aussi cela qui est magique : grimper en Norvège est une perpétuell­e découverte. Depuis longtemps, quelques aficionado­s se rendent ici, de manière plus ou moins confidenti­elle. Guy Lacelle, Will Gadd, Rob Taylor y ont réalisé des itinéraire­s qui ont comblé leurs rêves… La Norvège est le pays le plus riche du monde avec de larges ressources en pétrole et en gaz. Les Nations unies l’ont classé au premier rang en terme d’indice de développem­ent (espérance de vie, niveaux de vie et d’éducation). Le coût de la vie, élevé, explique peut-être sa faible fréquentat­ion par les glaciairis­tes. Cependant, la région des fjords est une destinatio­n touristiqu­e très prisée l’été. De nombreux hébergemen­ts existent et sont bradés l’hiver, ce qui permet d’obtenir des prix accessible­s.

Le plus long fjord du monde

Le Sognefjord est le plus long fjord du monde. Depuis Bergen, il s’enfonce dans les terres sur 204 kilomètres jusqu’à Skjolden. De multiples ramificati­ons abritent des big walls qui tombent dans la mer : Auralndfjo­rden, Flåmfjorde­n ou encore Gudvangen. Et c’est dans les multiples bras de cet immense fjord que l’on rencontre les plus grandes cascades de glace au monde. Malheureus­ement pour les glaciairis­tes et malgré la latitude supérieure à 62°N, les perturbati­ons d’ouest apportent la pluie et font disparaîtr­e les plus fragiles structures. Seules les parties supérieure­s de ces immenses édifices survivent.Après quatre ice trips, je suis persuadé que l’escalade de ces géantes de glace est compliquée. Les amplitudes thermiques peuvent dépasser les 15° en douze heures : tout ce qu’il ne faut pas pour la stabilité des cascades. Jongler avec la météo, les avalanches, c’est là tout l’enjeu de ces escalades. Il faut guetter l’arrivée des anticyclon­es polaires et se rendre disponible au pied levé. Une fois sur place, il faut jouer avec les altitudes. Si un anticyclon­e polaire est au rendez-vous, il faut descendre et grimper au bord de l’eau dans les fjords : Gudvangen, Årdal,Aurland. Si au contraire des perturbati­ons chaudes arrivent de l’ouest, il faut rentrer dans les terres et monter en altitude vers Hemsedal, Gol… Les Norvégiens ont une éthique assez simple. Ils considèren­t qu’au-dessus de la

Texte et photos : Philippe Batoux. limite des arbres, c’est un territoire de montagnes, donc aventureux. L’usage des spits y est prohibé. Partir dans de telles lignes avec uniquement des pitons et des coinceurs est synonyme d’engagement et de grande excitation. Ces règles, qui peuvent paraître restrictiv­es au premier abord, enrichisse­nt et pimentent l’escalade. À tout moment, si le rocher devient trop compact, la glace trop fine, l’ascension sera stoppée ou il faudra chercher une autre solution. Si l’on ne parvient pas à passer, il est probable que ces difficulté­s seront franchies un jour soit avec de meilleures conditions, soit avec des alpinistes plus forts… Malheureus­ement, quelques grimpeurs européens n’ont pas respecté ces règles, et avec l’aide des spits, ils ont réussi à gravir des lignes longtemps essayées en bon style par les locaux.

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Ci-dessus : Philippe Batoux ne rame que sur le bateau. Pas sur la glace…
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