Vertical (Édition française)

Magazine IN MEMORIAM

Royal Robbins a été l'un des plus grands acteurs de l'âge d'or du Yosemite, auteur du premier solo d'El Capitan. Mais aussi un visionnair­e, qui avant l'invention des coinceurs mécaniques, prônait déjà une utilisatio­n raisonnée et raisonnabl­e des pitons et

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Royal Robbins (1935-2017)

Il y a au moins deux manières de présenter un homme comme Royal Robbins, décédé le 14 mars dernier. La première consiste à énumérer ses exploits. Ils furent nombreux. Pionnier de l’âge d’or du Yosemite, conté par Steve Roper dans son livre Camp 4, Royal Robbins invente le premier grade VI de la Vallée en ouvrant la face nord-ouest du Half Dome, la Regular, en 1957 (avec M. Sherrick et J. Gallwas). Quatre ans plus tard, il réussit la première de Salathé Wall, sur El Capitan, avec Tom Frost et Chuck Pratt, peut-être le big wall le plus fameux de la planète et dont la variante en libre, Free Rider, est la voie d’escalade libre la plus répétée de nos jours. Et puis, en 1962, il y a le Dru : la Directe Américaine, ouverte avec Gary Hemming. Mais il y aurait une façon plus juste de rendre hommage à celui qui a profondéme­nt influencé l’escalade et l’alpinisme moderne. En rappelant que l’ouverture de Salathé avec si peu de moyens – treize spits (!) furent plantés en tout et pour tout – fut d’abord une réponse à la tactique de siège utilisée par son concurrent Warren Harding (47 jours étalés sur un an). Ou encore l’invention de Nutcracker, une grande voie sur coinceurs uniquement. Une profession de foi dans l’aventure, signée Robbins, réputé intransige­ant. Sa voie au Dru est un chef-d’oeuvre accompli en trois jours de 1962 qui rectifiait la première inélégante de la face ouest des Français dix ans plus tôt. Le tout sans les coinceurs mécaniques qui simplifièr­ent énormément la tâche en granit. Robbins n’en avait pas non plus quand il réalisa la première ascension en solitaire d’El Capitan, s’auto-assurant avec les premières poignées Jumar, plantant jour après jour ses pitons, paniqué à certains moments quand il croyait ne plus être dans le Muir Wall – dont c’était le second parcours après celle de TM Herbert et Yvon Chouinard. Son éternelle casquette blanche sur la tête, Royal Robbins sortit des fissures déversante­s le dixième jour, assoiffé, mais accueilli par sa femme Liz. Robbins fut un pionnier visionnair­e, et poursuivit l’aventure, des années durant, sur les rivières les plus sauvages du Far West.

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Wayfarer, gros sac et chaussures old school : le style Robbins au tournant des sixties.

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