Vertical (Édition française)

Voyage voyage TIBET, PAKISTAN, NÉPAL : PARTEZ EN EXPÉ !

Si Tibet et autonomie semblent se contredire, c’est pourtant bien ce que nous avons osé l’an passé avec Luc Richard et Carole Rattaggi dans l’ancien royaume de Nangchen. Après trois semaines de trek en autonomie, nous nous sommes tournés vers plusieurs so

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« Bientôt, avec les nouvelles pratiques dérivées de la technique alpine, des transports grandement facilités et des frontières plus ouvertes, les projets d’ascension vers les montagnes lointaines ne nécessiter­ont — pour beaucoup — plus qu’une organisati­on presque banale, quasiment au niveau d’un projet alpin... » Il ne croyait pas si bien dire, ce membre du Groupe de haute montagne réagissant le 8 octobre 2008 au décès de Bernard Domenech, grand défricheur de parois vierges devant l’éternel. « Les copains ne vont pas croire qu’on est parti explorer et gravir des 6 000 au Tibet avec un sac de soute de 23 kg », rigole ma compagne de cordée. Carole Rattaggi profite tout sourire d’un cappuccino très honorable sur une terrasse ensoleillé­e, mais déserte de Yushu. Après trois semaines de treks et d’acclimatat­ion entre 4 200 et 5 200, nous nous refaisons la cerise dans la capitale du Qinhai. Cette province qu’on rejoint avec un simple visa de tourisme et 1 h 30 de vol depuis l’aéroport internatio­nal de Chengdu au Sichuan, c’est pourtant le Tibet pur et dur. Il nous suffit de tourner la tête vers le marché noir aux bijoux à cent mètres pour apercevoir d’authentiqu­es guerriers Khampas. Départ vers des 6 000 inconnus. Demain, nous prenons un taxi pour le petit massif mystérieux qui s’élève à moins de 20 km de la ville. À part nos petits rouleaux d’impression­s Google Earth et notre bombe au poivre contre les ours, on pourrait vraiment s’imaginer être une veille de course à Chamonix. Dans le sac à dos, six jours de bouffe, un duvet, une tente tipi de 800 g pour deux qu’on monte sur nos bâtons de marche ligaturés en guise de mât, un baudrier léger, quelques sangles, un brin de Dyneema de 30 m, quelques broches, mousqueton­s, une paire de crampons et de piolets. Et voilà tout. Mon appareil photo hybride et ses trois objectifs sont de loin ce qu’il y a de plus lourd. Il nous faudra deux explos d’une semaine, entrecoupé­es de nuits d’hôtel et de ravitaille­ments pour revenir, enfin, avec la clé du chaînon convoité. Entre temps, nous aurons crié de joie au sommet de deux belles courses de neige sur le Gwontatzé (la montagne verte), 5 500 m, et Dza Tchumbo (la montagne rouge), 6 100 m. Et nous crierons aussi d’effroi sur le chemin du retour en surprenant un gros ours du Tibet en train de gratter un campement de berger abandonné pour l’hiver. En ce qui me concerne — Carole repartie sagement grimper au chaud Yunnan —, je crierai de dépit en me faisant coffrer par une dizaine de paysans le dernier jour d’un dernier raid solitaire afin de boucler le massif par le sud. La vue de mon accoutreme­nt de cosmonaute descendant en lisière d’hiver de quelques recoins oubliés avait éveillé leur suspicion. Braconnier de grands fauves (j’avais aussi croisé un léopard des neiges) ? Cristallie­r sauvage ou espion américain ? Je ne saurai jamais ce qu’ils me reprochère­nt ni ce qui justifia mon arrestatio­n à 4 600 m. Ce que je sais en revanche c’est qu’il me fallut une nuit de résidence forcée dans la ferme du flic-paysan local pour leur expliquer ce qu’est l’alpinisme, cette passion gratuite consistant à grimper les montagnes... Et les convaincre de me lâcher au petit matin.

Massif du Tsumbo Tshadji, enfin ! Après trois semaines de trek et d'exploratio­n, Carole Rattaggi s'approche des sommets vierges repérés sur Google Earth à la maison. "Sur l'antécime du Dza Tchumbo, 6 100 m. Une magnifique première en neige située à moins de 20 km de Yushu !

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