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Le jeune grimpeur allemand de 26 ans exprime depuis quelques années son art de l’escalade solitaire dans les Alpes autrichiennes. Des ascensions de plus en plus remarquées pour leur difficulté et leur engagement. Voici 7 raisons de suivre « Fabi » Buhl.
Fabian Buhl
1 PHILOSOPHIE
Depuis son ouverture en solitaire de Ganesha (7 longueurs, 8c) à la paroi Sonnenwand du Loferer, suivie de sa première ascension hivernale du Wetterbockwand (8c), en solitaire elle aussi, le grimpeur bavarois a définitivement trouvé sa voie. Au départ le solo c’était pour essayer, par manque de compagnons de cordée. C’était aussi par admiration pour son compatriote Alex Huber, et sa remarquable ouverture en solo de Nirwana (8c+), également au Loferer, dont Fabian a effectué la première répétition. Peu à peu, il est tombé amoureux de cette pratique : « L’état d’esprit dans lequel je me mets en grimpant en solo est sans pareil. Lorsque j’échoue je ne blâme personne d’autre que moi, je suis seul responsable de ce qui m’arrive. Fini la recherche d’excuses ». Livré à luimême pendant trois jours en hiver sur l’austère paroi du Wetterbockwand, il aime cet engagement : « L’escalade solitaire me permet de vivre des moments très gratifiants avec moi-même. Cela me fait prendre conscience à quel point je suis minuscule sur la montagne. J’ai l’impression d’être totalement exposé aux éléments et de vivre chaque instant intensément ».
2 PINCES À LINGE
Pour réaliser ses projets, Fabian Buhl a dû mettre au point son propre système d’auto-assurage, expérimenté et peaufiné au cours de nombreuses heures en falaise. Tout allemand qu’il est, Fabian a un côté perfectionniste : « Je suis très pointilleux sur le matériel ». S’il utilise un Grigri modifié, « comme cela se fait depuis des années », son innovation se situe plutôt du côté de la gestion de la corde et du tirage : « J’ai trouvé un système de boucles de sécurité qui s’ouvrent d’elles-mêmes, et j’utilise des pinces à linge pour gérer le tirage de la corde vers le bas. Ce n’est pas sûr à 100% mais ça marche ». Une des difficultés de la grimpe en solo auto-assuré consiste à devoir se donner soi-même son propre mou, et d’anticiper sous peine d’être bloqué au milieu d’un mouvement. A l’occasion, Fabian règle ce problème au moyen de marques sur la corde. Mais pas toujours : « Parfois je tire juste beaucoup de mou pour grimper plus librement, bien que la chute puisse être plus grosse ».
3 ALEX HUBER 2.0
Lorsqu’on s’intéresse à Fabian Buhl, on retrouve fréquemment le nom du nonogradiste, soloiste, bigwall-iste et himalayiste Alex Huber : « Alex est une personne très importante dans ma carrière alpine, et c’est aussi un ami ». De 20 ans son cadet, Fabian Buhl marche dans les traces du gaillard teuton. Les deux font parfois cordée, comme pour leur libération au premier essai de « Sueños de Invierno », une voie traditionnelle de 540m (8a) dans les Picos de Europa. Une autre figure inspirante pour Fabian est Herman Buhl. Similarité de nom mais aussi d’esprit : « J’admire le dévouement que pou-
vait avoir Herman Buhl. Les anciens investissaient tout ce qu’ils avaient pour une ascension et puisaient au fond d’euxmêmes une fois sur la montagne ». Malgré tout Fabian veux tracer sa propre route : « Il est important pour moi de ne pas suivre les idées de quelqu’un, j’essaie de trouver mes propres objectifs ».
4 ENTRAINEMENT
Pur produit du bloc - il garde toujours quelques projets à Fontainebleau - Fabian Buhl s’est diversifié vers l’escalade sportive et vers le trad. Pour s’entrainer, il passe beaucoup de temps en falaise : « J’ai vraiment hâte d’aller à Céüse pour améliorer [...] mon endurance et préparer mon projet alpin de l’été ». L’entrainement, c’est aussi la préparation mentale : « Avant de tenter un projet, j’essaie de visualiser chez moi toutes les situations auxquelles je pourrais être confronté. Ca m’aide à rester calme lorsque ces situations arrivent ».
5 PROJETS EN ALTITUDE
« Je n’aime pas parler de mes projets », annonce-t-il tout de suite, « car les projets ne valent rien tant qu’ils ne sont pas réalisés. Ils ne méritent qu’on en parle qu’une fois accomplis ». Pourtant on sent que quelque chose se trame du côté du Karakoram : « La haute altitude m’attire sans aucun doute, et je prépare actuellement un voyage au Pakistan. J’aimerais transposer mes méthodes d’escalade solitaire sur des montagnes plus hautes. Mais avant ça j’ai besoin de gagner de l’expérience en altitude, ce qui sera l’objet des prochaines expéditions ».
6 PERMAFROST
Ayant étudié la géologie à l’Université d’Innsbruck, Fabian Buhl est sensible à la question de l’environnement montagnard : « Avec le rythme actuel du changement climatique, on devra faire beaucoup de prévention des risques dans les villages de montagne. Pensez par exemple à la poche d’eau qui a dû être drainée sous le glacier de Tête-Rousse en France. La disparition du permafrost cause également de grands problèmes, en témoignent les éboulements à l’Eiger ou aux Drus ».
7 FUTUR
Son appétit ne semble pas prêt d’être rassasié. Peu à peu sa vie se tourne vers la réalisation de ses objectifs : « Aujourd’hui je peux presque grimper à temps plein, et je me sens très chanceux d’avoir le soutien de mes sponsors pour pouvoir suivre mes rêves. Car plus les projets sont alpins, plus ils sont chronophages en préparation ». Ses projets, Fabian les construit petit à petit : « J’aime me fixer un objectif, et ensuite accomplir toutes les petites étapes pour pouvoir me sentir prêt le jour venu. Dans la dernière phase de préparation, mon objectif conditionne presque tout ce que je fais ». Mais à quoi bon tous ces efforts ? « Je veux pouvoir regarder en arrière dans dix ans et me dire que je n’ai pas perdu mon temps et que j’en ai profité au maximum ».