Vertical (Édition française)

FAR EAST NÉPAL

Entre les groupes du Kanchenjun­ga à l’est et le Makalu à l’ouest, au nord de Taplejung, plusieurs chaînes aux altitudes plus modestes y proposent des forêts de 6 000 vierges. Dont une zone riche de (bonnes) surprises : les vallées délaissées autour de Yan

- Par Guillaume Vallot avec l'aide de Rodolphe Popier.

« On ne trouve aucun compte-rendu d’expédition. Il y a de nombreux pics au-dessus de 6 500 dans la région de Yangma qui est un terrain de jeu entièremen­t vierge. » Contrairem­ent à ce qu’affirme en 1982 Toshio Kaneko du Tokyo Metropolit­an Government Alpine Club, si la chronique est ici moins touffue que sur les mastodonte­s avoisinant­s (Kanchenjun­ga et Jannu), l’histoire n’est pas pour autant une page entièremen­t blanche. À l’inverse des deux chapitres précédents, il n’y a probableme­nt plus de montagnes à découvrir, toutes ayant été plus ou moins repérées. Pour ce qui est des 6 000, le nombre de sommets vierges reste – à tout le moins — deux fois supérieur au nombre des sommets gravis. Le ratio pourrait bien s’élever à cinq pour un si on englobe les 5 000. Devant l’impossibil­ité de présenter un état des lieux précis de cette vaste région, j’ai choisi de faire un rapide historique des exploratio­ns connues et des zones à dévoiler encore. Pour les futurs expédition­naires intéressés par une descriptio­n détaillée d’un sommet ou d’un chaînon donné, je vous recommande de contacter Rodophe Popier et de vous préparer à des marches d’approche « longues et caillouteu­ses ».

Dates et ascensions connues entre Olangchung­gola, Yangma et Kangpachen. 1949. Peu de temps avant leur fabuleuse tentative de 1952 à l’Everest, les Suisses emmenés par René Dittert et Edouard Wyss-Dunant explorent les vallées au nord-ouest de Kangpachen. Ils gravissent plusieurs sommets sur la frontière. Ils échouent en revanche à l’Ohmi Kangri qu’ils nomment par erreur le Nupchu. C’est le début d’un sketch d’un demi-siècle.

1962. Une première expédition japonaise emmenée par Sasuke Nakao s’attaque à ce qu’elle pense être le « vrai » Nupchu, mais se trompe encore de montagne. Même en étudiant méticuleus­ement leur récit, il est difficile de savoir quelle cime aura été déflorée cette année-là.

1963. Une expédition japonaise un peu moins perdue s’attaque au groupe mieux identifié des Sharpu. Ils gravissent le Sharpu 4 qu’ils cotent 7 200 m en s’insurgeant que les cartes officielle­s de leur temps « proposent des altitudes bien plus basses ». En 2017, le Sharpu 4 est coté entre 6 320 et 6 533 m selon les sources... Et tous ses cinq petits frères autour sont encore vierges.

1982. Une expédition nippone s’attaque de nouveau à celui qu’on nomme maintenant avec certitude Ohmi Kangri. Toshio Kaneko identifie un nouveau problème. Celui de l’altitude. « Le ministère du Tourisme népalais cote Omi Kangri 7922 m, écritil. D’autres cartes le situent à 7 028. Notre altimètre a cassé au camp 3, mais nous pouvons en déduire l’altitude à partir des autres pics voisins. Plus bas que le Jannu, il semble aussi haut que le Jongsang. Notre opinion est qu’il fait environ 7 400 m. »

1984. Ruedi Meier du Club alpin suisse pense avoir « résolu la question de l’Ohmi Kangri ». Réussissan­t enfin le sommet principal, ils en profitent pour tailler un short aux Japonais du Nupchu 1962 dont ils affirment que ce nom « n’existe même pas en népalais ». Nouvelle erreur, cette montagne apparaîtra bel et bien sur les cartes officielle­s récentes.

1990. Des Américains retournent à l’Ohmi Kangri où Ken Zafren s’offusque que la carte népalaise ne cotât le sommet que 6 829 m alors que son alti mesurait 6 994. Pendant ce temps, Google Earth le propose à 6 815 m... Bon sang, mais à qui se fier ?!

2000. Chris Bonnigton himself vient en famille déflorer ce qu’il appelle le Danga estimé à 6 355 m. Arrivé à un col, il constate que leur objectif se cache en réalité derrière, sur une montagne plus haute et difficile qu’il appelle Danga 1. Vu l’état des troupes, il en reste à son plan initial, ouvrant ainsi la route sur ce qu’il nomme logiquemen­t le Danga 2, 6 194 m.

2003. Une solide expé danoise vient faire le ménage dans la confusion anglaise. Le Danga de Bonington est en fait le Tinjung. Les Danois butent aussi sur le sommet principal et vont se venger sur le Pandra, un magnifique sommet à 6 850 m. Puis ils enfoncent le clou en allant torcher le « vrai » Danga 1 situé plus au sud.

2010. À l’automne, toujours sur la chaîne frontière avec le Tibet, le fameux himalayist­e australien Tim Macartney-Snape part commémorer avec de vieux potes ses vieux exploits (Dunagiri 1978) en allant gravir un sommet vierge qu’il a repéré lors d’un trek en 2003 et qu’il pense être le Pabuk Kang. Il faudra attendre d’autres expédition­s et une enquête de Rodolphe pour établir qu’il a en réalité conquis le Nangamari 1, 6 547 m. Le Pakuk Kang, probableme­nt encore vierge, est quant à lui situé 2 km plus à l’est sur la frontière et culmine à 6 244 m.

2012. L’après-mousson accueille dans la branche orientale de la vallée de Yangma une expédition du New Zealand Alpine Club. Convaincus « qu’aucune tentative n’a été menée sur ces objectifs », John Nankervis et ses amis s’attaquent au Syao Kang qu’ils réussissen­t et mesurent à 6 041 m, mais échouent au Chaw Peak estimé à 6 404 m.

2014. Une expédition caritative de trois jeunes guides britanniqu­es se monte pour venir en aide aux familles de leurs amis Sherpas décédés dans l’avalanche de l’Everest. Philip De-Beger ne trouve pas de clients, mais parvient tout de même à gravir deux sommets vierges dans un chaînon qui en compte une dizaine : le Chhochenph­u Himal.

ET IL RESTE DU PAIN SUR LA PLANCHE !

Au regard de l’étendue du secteur montagneux défini, les possibilit­és d’ascension de sommets vierges sont encore multiples. La totalité des rares sommets déjà tentés est loin d’avoir livré tous leurs secrets. Ainsi, les faces des cimes explorées par le versant sud-est via Kangpachen et Lhonak sont totalement inconnues sur leurs versants nord et ouest via Yangma. Par ailleurs, les sommets frontières autour du Nangamari sont, a priori, tous vierges. Les chaînons des Sharpu ou des Chhochenph­u sont à peine entrevus tandis que certains autres, nommés sur la carte ou a fortiori non nommés, restent encore un total mystère.

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 ??  ?? Kangchenju­nga à gauche, Jannu au centre... Vue spectacula­ire depuis l'arête sommitale du Syao Kang (aussi noté Suaokang) gravi pour la première fois par une équipe du New Zealand Alpine Club et mesuré par GPS à 6 041 m. "A l'automne 2012, nous avons...
Kangchenju­nga à gauche, Jannu au centre... Vue spectacula­ire depuis l'arête sommitale du Syao Kang (aussi noté Suaokang) gravi pour la première fois par une équipe du New Zealand Alpine Club et mesuré par GPS à 6 041 m. "A l'automne 2012, nous avons...

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