LE GRAND BAZAR
Apporter plus de lisibilité dans la cotation des itinéraires abordables en montagne permet de mieux choisir sa course. Ne pas ranger dans la même cotation F des voies en III+ haute montagne permettrait aux pratiquants de faire de meilleurs choix en amont
Lors du choix d’une sortie en montagne, la difficulté technique ainsi que d’autres paramètres doivent être pris en considération. Chaque pays, chaque massif possèdent sa spécificité dans le registre des cotations. Et garder une marge de manoeuvre par rapport à son niveau et son expertise est une simple question de bon sens, que ce soit en amateur ou en professionnel. Voici un éclairage sur les remises à plat et les réajustements en matière de cotations qui ont été introduites dans les massifs des Écrins, des Cerces et du Queyras. Cette refonte est le fruit d’un long travail universitaire commencé dans les années 90. J’avais fait le constat du manque de lisibilité de la difficulté des itinéraires abordables. Alors, comment introduire de la subtilité dans les voies normales alors que toutes les voies abordables sont tassées vers le bas, et le plus souvent sous-cotées ? D’où vient ce manque de lisibilité ? Probablement d’une stratification d’éléments historiques, culturels, mais aussi des habitudes prises par les auteurs de topos et les pratiquants. Depuis quelques années, la plus grande précision des données, mises à disposition par l’Institut géographique national, notamment la carte des pentes, a permis de corroborer mon ressenti : la sous-évaluation des pentes inférieures à 40° dans les vieux topos. C’est une des raisons qui m’ont motivé pour replacer correctement les cotations de beaucoup de voies, qu’elles aient été sous-cotées volontairement ou pas. À titre d’exemple, le versant nord du col Turbat (>40°) et le versant ouest du col du Gioberney (>40°) sont quasiment aussi
raides que le Couloir Coolidge à la Traversée du Pelvoux ( 40/ 45°). En 1946, le premier topo des Écrins à avoir intégré le système de cotation de Welzenbach était logiquement très sévère à l’égard « des touristes et des randonneurs » : ces deux premiers itinéraires étaient cotés F et le Pelvoux PD. Or, en début d’été, la neige est encore présente sur ces trois itinéraires, ce qui fait qu’il n’y a guère de différence dans le mode de progression. Cette manière de procéder a peu à peu rabaissé les voies les plus « faciles » vers le bas de l’échelle. Ces cotations indécentes sont entrées dans les usages, les principaux acteurs n’ayant pas souhaité les faire bouger, ou modifier le système. L’évolution des conditions de la montagne en été a finalement permis à un plus grand nombre de constater la distorsion entre de vieilles cotations et les conditions réelles sur le terrain.
Une cohérence et une lisibilité d’ensemble J’ai tenté de réharmoniser la cotation d’ensemble des voies présentées dans mes topos. À chaque type de cotation de passage (élargi au mixte et au ski pour une meilleure lisibilité), j’ai essayé de faire correspondre la cotation d’ensemble (par exemple F, ou PD). C’est pour cette raison que je vous donne une des lectures possibles de la démarche, que j’utilise dans les topos des Éditions Constant à travers le tableau récapitulatif des cotations.
Rien n’est figé et encore moins dogmatique. Cette approche, que j’ai déjà utilisée dans le topo Ascensions en neige et mixte (2009, Écrins est), a fait ses preuves. Elle peut évoluer, et les méthodes utilisées sont ouvertes au débat. Ce qui est certain, c’est que cela apporte plus de clarté pour les pratiquants les moins confirmés, sans prendre les montagnards pour des c..., tout en invitant les amateurs de randonnée alpine à venir partager ces moments d’évasion avec de bons outils.
LA DIFFICULTÉ TECHNIQUE GLOBALE D’UN ITINÉRAIRE
Dans ma démarche, c’est le passage techniquement le plus dur qui inspire la difficulté d’ensemble. Que ce passage mesure trois mètres de long (en escalade par exemple) ou cinquante mètres. C’est un choix que j’ai fait dans mes topos-guides. De ce fait, la difficulté d’ensemble d’un itinéraire ou d’une voie tient compte de l’approche de la montée et surtout de la descente. Par contre, cette difficulté proposée ne tient pas compte des paramètres liés à l’engagement, à l’exposition, à l’altitude. Ces paramètres sont du coup détaillés et décrits dans les caractéristiques de la voie présentée. De fait, la cotation F indique un itinéraire alpin technique aux difficultés abordables, mais qui n’est absolument pas « facile ». Cette imprécision sémantique qui laisse place à l’ambiguïté signifie : considéré comme « facile » par ceux qui ont établi la nomenclature du système de cotation dans les années 1930. Dans les topos-guides que j’édite, lorsque l’info est identifiable, j’essaye de donner la section la plus difficile en rocher et l’inclinaison maxi de la pente. L’inclinaison indiquée est en corrélation avec la classification employée dans les bulletins d’estimation du risque d’avalanche utilisée en hiver. Mais attention ! Dans bon nombre de topos-guides et/ou sites communautaires, c’est la pente moyenne qui est prise en considération (sur parfois 150 m de dénivelé, ce qui n’a pas de sens) et non l’inclinaison maxi. Une grande vigilance doit être accordée à l’inclinaison/difficulté proposée dans la plupart des topos. Et si vous êtes motivé pour comparer, vous réaliserez vite que les cotations proposées ici et là sont très hétéroclites !