Vertical (Édition française)

LE GRAND BAZAR

Apporter plus de lisibilité dans la cotation des itinéraire­s abordables en montagne permet de mieux choisir sa course. Ne pas ranger dans la même cotation F des voies en III+ haute montagne permettrai­t aux pratiquant­s de faire de meilleurs choix en amont

- Par Sébastien Constant

Lors du choix d’une sortie en montagne, la difficulté technique ainsi que d’autres paramètres doivent être pris en considérat­ion. Chaque pays, chaque massif possèdent sa spécificit­é dans le registre des cotations. Et garder une marge de manoeuvre par rapport à son niveau et son expertise est une simple question de bon sens, que ce soit en amateur ou en profession­nel. Voici un éclairage sur les remises à plat et les réajusteme­nts en matière de cotations qui ont été introduite­s dans les massifs des Écrins, des Cerces et du Queyras. Cette refonte est le fruit d’un long travail universita­ire commencé dans les années 90. J’avais fait le constat du manque de lisibilité de la difficulté des itinéraire­s abordables. Alors, comment introduire de la subtilité dans les voies normales alors que toutes les voies abordables sont tassées vers le bas, et le plus souvent sous-cotées ? D’où vient ce manque de lisibilité ? Probableme­nt d’une stratifica­tion d’éléments historique­s, culturels, mais aussi des habitudes prises par les auteurs de topos et les pratiquant­s. Depuis quelques années, la plus grande précision des données, mises à dispositio­n par l’Institut géographiq­ue national, notamment la carte des pentes, a permis de corroborer mon ressenti : la sous-évaluation des pentes inférieure­s à 40° dans les vieux topos. C’est une des raisons qui m’ont motivé pour replacer correcteme­nt les cotations de beaucoup de voies, qu’elles aient été sous-cotées volontaire­ment ou pas. À titre d’exemple, le versant nord du col Turbat (>40°) et le versant ouest du col du Gioberney (>40°) sont quasiment aussi

raides que le Couloir Coolidge à la Traversée du Pelvoux ( 40/ 45°). En 1946, le premier topo des Écrins à avoir intégré le système de cotation de Welzenbach était logiquemen­t très sévère à l’égard « des touristes et des randonneur­s » : ces deux premiers itinéraire­s étaient cotés F et le Pelvoux PD. Or, en début d’été, la neige est encore présente sur ces trois itinéraire­s, ce qui fait qu’il n’y a guère de différence dans le mode de progressio­n. Cette manière de procéder a peu à peu rabaissé les voies les plus « faciles » vers le bas de l’échelle. Ces cotations indécentes sont entrées dans les usages, les principaux acteurs n’ayant pas souhaité les faire bouger, ou modifier le système. L’évolution des conditions de la montagne en été a finalement permis à un plus grand nombre de constater la distorsion entre de vieilles cotations et les conditions réelles sur le terrain.

Une cohérence et une lisibilité d’ensemble J’ai tenté de réharmonis­er la cotation d’ensemble des voies présentées dans mes topos. À chaque type de cotation de passage (élargi au mixte et au ski pour une meilleure lisibilité), j’ai essayé de faire correspond­re la cotation d’ensemble (par exemple F, ou PD). C’est pour cette raison que je vous donne une des lectures possibles de la démarche, que j’utilise dans les topos des Éditions Constant à travers le tableau récapitula­tif des cotations.

Rien n’est figé et encore moins dogmatique. Cette approche, que j’ai déjà utilisée dans le topo Ascensions en neige et mixte (2009, Écrins est), a fait ses preuves. Elle peut évoluer, et les méthodes utilisées sont ouvertes au débat. Ce qui est certain, c’est que cela apporte plus de clarté pour les pratiquant­s les moins confirmés, sans prendre les montagnard­s pour des c..., tout en invitant les amateurs de randonnée alpine à venir partager ces moments d’évasion avec de bons outils.

LA DIFFICULTÉ TECHNIQUE GLOBALE D’UN ITINÉRAIRE

Dans ma démarche, c’est le passage techniquem­ent le plus dur qui inspire la difficulté d’ensemble. Que ce passage mesure trois mètres de long (en escalade par exemple) ou cinquante mètres. C’est un choix que j’ai fait dans mes topos-guides. De ce fait, la difficulté d’ensemble d’un itinéraire ou d’une voie tient compte de l’approche de la montée et surtout de la descente. Par contre, cette difficulté proposée ne tient pas compte des paramètres liés à l’engagement, à l’exposition, à l’altitude. Ces paramètres sont du coup détaillés et décrits dans les caractéris­tiques de la voie présentée. De fait, la cotation F indique un itinéraire alpin technique aux difficulté­s abordables, mais qui n’est absolument pas « facile ». Cette imprécisio­n sémantique qui laisse place à l’ambiguïté signifie : considéré comme « facile » par ceux qui ont établi la nomenclatu­re du système de cotation dans les années 1930. Dans les topos-guides que j’édite, lorsque l’info est identifiab­le, j’essaye de donner la section la plus difficile en rocher et l’inclinaiso­n maxi de la pente. L’inclinaiso­n indiquée est en corrélatio­n avec la classifica­tion employée dans les bulletins d’estimation du risque d’avalanche utilisée en hiver. Mais attention ! Dans bon nombre de topos-guides et/ou sites communauta­ires, c’est la pente moyenne qui est prise en considérat­ion (sur parfois 150 m de dénivelé, ce qui n’a pas de sens) et non l’inclinaiso­n maxi. Une grande vigilance doit être accordée à l’inclinaiso­n/difficulté proposée dans la plupart des topos. Et si vous êtes motivé pour comparer, vous réaliserez vite que les cotations proposées ici et là sont très hétéroclit­es !

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 ??  ?? Sur les arêtes de l'Aiguille Occidental­e du Soreiller, une escalade certe simple mais à ne pas sous-estimer. © Seb Constant
Sur les arêtes de l'Aiguille Occidental­e du Soreiller, une escalade certe simple mais à ne pas sous-estimer. © Seb Constant
 ??  ?? Pour ses topos, Seb Constant a essayé d’établir un tableau comparatif des difficulté­s ressenties, c’est-à-dire dans la réalité, un passage coté V dans le Labande sera plutôt vécu comme du 5c sur le terrain.
Pour ses topos, Seb Constant a essayé d’établir un tableau comparatif des difficulté­s ressenties, c’est-à-dire dans la réalité, un passage coté V dans le Labande sera plutôt vécu comme du 5c sur le terrain.
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