Vertical (Édition française)

DRAME

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« Quand ils arrivent au camp de base de la face sud de l’Annapurna en 2008 (après avoir réussi une première très dure au Tengkangpo­che, NDLR), Simon Anthamatte­n et Ueli Steck apprennent que non loin de là, au pied de l’arête est, un drame se joue. L’Espagnol Iñaki Ochoa est coincé dans un camp à 7400 m d’altitude. Il s’est effondré au retour d’une tentative vers le sommet. Son compagnon, le Roumain Horia Colibasanu, le veille sous la tente et ne veut pas abandonner Iñaki. (...) Ueli a une idée de génie : il lui demande de descendre pour lui faire la trace… Ainsi, lui explique-t-il, il pourra monter plus vite, et avoir une chance de sauver Iñaki. Dans ce cas, Horia se laisse fléchir, fait la trace à la descente pour Ueli. Quand ils se croisent, il n’a plus la force de remonter. C’est ce qu’espérait Ueli. Il l’envoie vers Simon qui prendra soin de lui. Et il continue sa marche forcée vers Iñaki. (...) Deux mois plus tard, Ueli est encore sous le coup de cette tragédie. D’une voix tremblante, le speed climber raconte sa rencontre avec Iñaki aux portes de la mort, les heures passées ses côtés, ses efforts pour poser son corps inanimé dans une crevasse, son angoisse durant l’interminab­le attente, sa détresse. (...) Un sauvetage en Himalaya reste un acte rare, exceptionn­el. Comme pour une ascension difficile en style alpin, c’est un moment où il faut savoir s’oublier, pour assumer tous les risques et leurs conséquenc­es. Mais contrairem­ent à une première, il n’y a pas d’ego dans un sauvetage, juste de l’altruisme. (...) Nous nous sommes revus, au fil de ses réussites au gré des événements, ou par hasard. Cette fois comme toutes les autres fois, je revoyais son visage ravagé par l’émotion lors de notre première rencontre, alors qu’il me racontait, spontanéme­nt, ce sauvetage dont j’ignorais à quel point il avait été difficile et exemplaire. Peu de temps après, on a commencé à l’appeler la “Swiss Machine”… Je n’ai jamais trouvé ce surnom très pertinent. Depuis ce jour particulie­r à Friedrichs­hafen, je savais qu’il avait un coeur “gros comme ça” qui ne lui servait pas seulement à exploser des horaires. »

Claude Gardien

Blog des éditions Paulsen, http://bit.ly/2u0E8Mb

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