Marie-claude Pietragalla, à la pointe de la nature
La danseuse étoile Marie-claude Pietragalla, qui a travaillé avec Rudolf Noureev et Maurice Béjart, est infiniment attachée au respect de la nature. Elle nous inspire, forcément.
Vous êtes végétarienne depuis plus de trente ans. Doit-on encore s’en étonner, avec votre métier ?
Je suis devenue végétarienne à l’âge de 20 ans et effectivement, dans mon métier, ça semble assez paradoxal. Les gens n’arrivent pas à imaginer qu’un sportif de haut niveau ne mange pas de viande, ni rouge ni blanche.
Il y a trente ans, les végétariens passaient pour des gens un peu farfelus… Depuis, les consciences se sont éveillées. Je pars du principe qu’on devient ce que l’on mange… Quand l’animal est élevé dans une grande souffrance, on mange cette souffrance.
Avez-vous ressenti un changement en arrêtant la viande ?
Je m’en porte beaucoup mieux. Intellectuellement bien sûr, mais, étonnamment, physiquement aussi. Quand j’étais jeune, j’avais une musculature très développée. Dès que j’ai arrêté de manger de la viande, mes muscles se sont affinés, ma silhouette a changé. J’avais de grandes discussions à l’époque avec Rudolf Noureev, qui était un vrai carnassier. Il me disait : « Mais enfin, Pietra, vous pas pouvoir danser, pas avoir de force si pas manger viande ! » (Rires.)
Consommez-vous des produits bio ?
Oui, dans la mesure du possible. Cependant, quand je suis à l’étranger ou en tournée, le contrôle sur les produits
que je mange n’est pas toujours facile. J’essaie de respecter les saisons, mais on ne fait pas toujours ce que l’on veut…
Les produits de beauté étiquetés bio, vous avez testé ?
Oui. Toutefois, je pense que c’est plus important de faire attention à ce que l’on mange, à son hygiène de vie.
Vous semblez accepter facilement l’âge, le temps qui passe…
Je pense que c’est une erreur de ne pas l’accepter… On vivrait alors toujours dans le souvenir de quelque chose, ou dans l’attente de ce qu’on aimerait être. Il y a des choses que j’ai adoré vivre il y a vingt ou trente ans, et des choses que j’adore vivre aujourd’hui.
À 9 ans, à l’école de danse de l’opéra national de Paris, vous avez très vite connu le travail et la discipline. Aujourd’hui, quelle maman êtes-vous ?
Très tôt, j’ai eu conscience de ce que je voulais faire plus tard : danseuse. Ma fille est une ado qui ne sait pas ce qu’elle a envie de faire. Elle se cherche, elle veut construire son propre chemin. Je sens qu’il y a des questionnements que je dois respecter. J’essaie de lui laisser le temps de découvrir la vie.
Lui donnez-vous une éducation respectueuse de la nature ?
Elle est très sensible au respect de l’environnement, au bio… Cette sensibilité, c’est plutôt en elle, je n’en suis pas vraiment à l’origine. C’est d’abord venu d’elle. Les jeunes aujourd’hui ont accès à beaucoup d’informations et sont d’autant plus sensibilisés à certains combats. Par exemple,
ils savent que des espèces animales disparaissent, et ça les touche. Vous êtes née à Paris et vous êtes d’origine corse. Est-ce que ces deux territoires font partie de votre équilibre ?
C’est même fondateur. Enfant, j’ai vécu une vie intense à Paris et, en même temps, j’avais ces bulles de respiration en Corse, qui m’ont appris le respect de la nature. La Corse est l’une des rares régions de France où on vit avec la mer et la montagne. Le rapport à la terre est très fort là-bas. Ça m’a beaucoup aidée, même dans l’imaginaire pour mes créations. À Paris, j’aime aller au bois de Vincennes avec mes chiens pour me ressourcer.
Quel lien voyez-vous entre la nature et la danse ?
Mon métier m’oblige à évoluer dans l’espace, il me montre à quel point j’appartiens à la terre. J’ai professionnellement un lien fort avec la nature. J’aime comparer mon métier à celui de sculpteur : il façonne le corps comme le sculpteur construit sa statue et l’élève vers le ciel.