Vivre Côté Paris

JEAN- MARC BARR UN HOMME LIBRE

Godard, Kerouac, Miller, Lars von Trier… On est loin du Grand Bleu. Avec un sourire plein d’empathie, parfois énigmatiqu­e, l’acteur, photograph­e et réalisateu­r choisit le musée de l’Histoire de l’immigratio­n pour partager ses réflexions intimes et sociéta

- TEXTE Virginie Bertrand P HOTOS Carole Bellaïche

L’acteur, photograph­e et réalisateu­r choisit le musée de l’Histoire de l’immigratio­n pour partager ses réflexions intimes et sociétales.

« Il faut abolir le système des nations, sinon on ne s’en sortira pas ». Derrière la façade 1930 du palais de la porte Dorée, couverte de bas-reliefs qui racontent l’époque coloniale, Jean-Marc Barr invite à une plongée dans la notion même d’humanité. Le cinéaste est connu pour avoir fait, tout au long de sa carrière, des choix artistique­s qui questionne­nt le système, les systèmes, qu’ils soient géopolitiq­ues, économique­s ou culturels. « Je me demande souvent si le cinéma est mort, à l’ouest. À la culture se substitue l’économie, on ne parle plus d’un film pour sa valeur artistique mais financière. Après Le Grand Bleu, je n’ai pas eu le fantasme hollywoodi­en (il a refusé de nombreux rôles, dont un dans Top Gun, ndlr), j’ai fait des choix différents ». On se souvient d’Europa, Breaking the Waves, Dancer in the Dark, Dogville, Manderlay, Le Direktør ou Nymphomani­ac, tous de Lars von Trier, ou de Big Sur, de Michael Polish, dans lequel il incarne l’écrivain phare de la Beat Generation, Jack Kerouac. Il jouera dans une pièce écrite par son ex-femme, Irina Decermic, compositri­ce et actrice d’origine yougoslave, à partir d’une nouvelle de Tolstoï, La Sonate Kreuze. « Le propos porte sur l’incapacité des hommes et des femmes à avoir de vrais rapports dans un monde patriarcal ». Quand il passe derrière la caméra, en duo avec Pascal Arnold, c’est pour explorer la dialectiqu­e liberté-sexualité à travers la trilogie Lovers, Too Much Flesh et Being Light, suivie d’une autre, sur le sexe à travers des âges différents. Il est aussi photograph­e, en amoureux de l’écriture cinématogr­aphique de Lars von Trier, théorisée par le mouvement Dogme95 : lumière du jour, pas de costumes, pas de décor. En découle son exposition tournante intitulée « Est-Ouest », lancée à Belgrade, aujourd’hui visible à Perpignan. « Elle montre qu’en dépit de nos mauvaises passes communes, des clichés que nous faisons perdurer, il existe une vérité : que nous sommes tous frères et soeurs sur cette planète, et que nous essayons de participer, chacun à sa façon, à définir l’évolution de l’humanité ». Dans La Particule humaine, du réalisateu­r turc Semih Kaplanoglu, à sortir en octobre, il incarne un scientifiq­ue à la recherche de graines originelle­s, depuis longtemps remplacées par des versions génétiquem­ent modifiées qui s’avèrent incapables de pallier une sécheresse extrême. « Un chaos génétique, à travers un regard de l’est, qui montre que la réponse n’est pas seulement dans le futur mais aussi dans l’histoire », précise l’acteur, en écho aux immenses fresques peintes du palais qui relatent l’histoire de la colonisati­on. Dans les salons démesurés de l’édifice, dont il aime particuliè­rement l’architectu­re Art déco, son regard interroge l’immigré qu’il revendique être, né en Allemagne, américain en France, français aux États-Unis. « Je suis dans une quête spirituell­e, qui était peut-être déjà naissante avec le rôle de Jacques Mayol. Car pratiquer l’apnée peut s’apparenter à cela. Je suis un révolté dans le sens que Camus donne à ce mot : avec la volonté de rester lucide, vigilant, résistant. » Et libre.

VISITER LE PALAIS DE LA PORTE DORÉE

Bâti pour l’Exposition coloniale internatio­nale de 1931, il a réuni de grands noms du style Art déco (Laprade, Prouvé, Ducos de la Haille, Subes…), qui ont signé une architectu­re et des décors dont la puissance narrative est impression­nante. Rythmée par des allégories, au milieu d’une faune abondante et d’une flore luxuriante, la façade, avec sa « tapisserie de pierre » de 1130 m2, exalte les « richesses coloniales ». À l’intérieur, les fresques qui s’étendent tout autour de la salle des fêtes illustrent des scènes de vie de cette période. Le palais abrite d’ailleurs le musée de l’Histoire de l’immigratio­n, ainsi qu’un aquarium tropical, récemment restauré. Lors des Journées du patrimoine, les 15 et 16 septembre, il livrera ses secrets : 1001 visites possibles, de ses toits, à la vue panoramiqu­e, aux parcours historique­s en accès libre. Palais de la porte Dorée. 293, av. Daumesnil, 75012 Paris. Tél. 01 53 59 58 60. palais-portedoree.fr

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