AFFINITÉS CISELÉES
La haute joaillerie Chanel s’inspire des paravents en laque de Coromandel.
LA DERNIÈRE COLLECTION DE HAUTE JOAILLERIE DE CHANEL EST INSPIRÉE DES PARAVENTS EN LAQUE DE COROMANDEL CHERS À LA GRANDE COUTURIÈRE FRANÇAISE. LES CRÉATEURS MAISON ONT RÉINTERPRÉTÉ LES MOTIFS, AINSI QUE LES TONALITÉS DE CES PRÉCIEUX PANNEAUX LAQUÉS D’EXTRÊME-ORIENT. LE RÉSULTAT EST SAISISSANT.
Coromandel… Un nom qui évoque des rivages lointains. C’est depuis cette côte du golfe du Bengale, au sud-est de l’Inde qu’étaient chargés les objets d’art chinois que les Compagnies des Indes, hollandaise, anglaise, française – multinationales avant l’heure – transportaient par mer vers le continent européen aux XVIIe et XVIIIe siècles. Curieusement, ce lieu d’expédition a donné son nom à un mobilier en laque gravée réalisé en Chine. Mademoiselle Chanel raffolait des paravents dits de Coromandel. Elle en disposait aussi bien dans son hôtel particulier du faubourg Saint-Honoré que dans sa suite du Ritz. Dans son ouvrage sur la créatrice, l’historien d’art Jean Leymarie reprend les souvenirs du dramaturge Henry Bernstein : « On a dîné et on a dansé chez notre célèbre et admirable et très chère Gabrielle Chanel, dans le miroitement délicat et infini des glaces, dans les somptuosités des laques, dans la blanche violence des pivoines sans nombre… » Et de nombreux photographes ont portraituré Mademoiselle devant ses panneaux d’Extrême-Orient aux motifs incisés dans la laque. Elle aimait leur mobilité, la facilité à les déployer, les ouvrir, les fermer, à en « tapisser » les murs. « Je suis comme un escargot, confia-t-elle à Claude Delay, écrivain, auteur de Chanel solitaire, et psychanalyste. Je porte ma maison avec moi… Deux paravents de Chine, des livres partout. Je n’ai jamais pu vivre dans une maison ouverte.» Qui eût dit qu’un jour ces décors donneraient naissance à une collection de haute joaillerie ? Et quelle collection ! Cinquante-neuf bijoux dont vingt-quatre pièces uniques surgis des ateliers de la maison Chanel, évoquant les montagnes, les nuages, les oiseaux, les fleurs. Le plus éblouissant ? Sans doute ce bracelet floral réversible : une face en onyx du plus beau noir, serti de diamants blancs, l’autre pavée de gemmes dorés pour suggérer les teintes ambrées des meubles de Coromandel. Il s’agit d’une manchette, ornée d’un diamant jaune pivotant et dont les pans coupés rappellent les plis d’un paravent. Joli tour de force des artisans joailliers. L’Empire céleste inspire encore et encore.