NATURE FANTASMÉE
Le Désert de Retz est l’un des plus beaux parcs à fabriques du XVIIIe. Déambulation sous la neige.
Moins connu que le Domaine d’Ermenonville, le Désert de Retz surgit en lisière de la forêt de Marly. Symbolique et mystique dans ses édifices, onirique et exotique dans sa végétation, il demeure l’un des plus beaux et des plus secrets parcs à fabriques du XVIIIe siècle. Une déambulation surréaliste.
Le surgissement d’une autre vision dans l’image réelle, la superposition de réalités distantes. Cette sensation surréaliste se décuple dans le Désert de Retz. Le paysage gagne en étrangeté, dense d’arbres centenaires et d’essences rares, tropicales. Les constructions semblent sorties tout droit d’un imaginaire fantasque, d’un grand lettré ou d’un illustre voyageur, convoquant tantôt des temples grecs et leurs divinités, des kiosques chinois, jusqu’à une tour simulant la ruine, à la façade faussement lézardée, annonciatrice de la fin d’un monde. François-Racine de Monville, grand maître des Eaux et Forêts, huissier de la chambre du roi, édifia, en 1775, peu de temps avant la Révolution, un des plus impressionnants parcs appelés « à fabriques ». Sur le domaine de Retz qualifié à l’époque de «désert» par son éloignement de la capitale, il fit bâtir plus d’une vingtaine de ces monuments ornementaux. Certains destinés à être habités, comme la Maison chinoise aujourd’hui disparue, ou la Colonne détruite qui renfermait ses appartements agencés autour d’un escalier à vis. D’autres sont voués aux plaisirs de la musique dans le Temple du dieu Pan, du théâtre, de la chasse ou convient à un parcours initiatique, tel le Rocher-grotte à l’entrée du domaine, constituant un passage initiatique de l’obscurité à la lumière, de l’obscurantisme à la connaissance. Le Désert de Retz est le jardin des Archétypes, cabinet naturel de Curiosités, miroir du Monde des Idées et sera fréquenté plus tard par les surréalistes. Avant il inspira Marie-Antoinette pour le Hameau du Trianon, le Temple de l’Amour et le Belvédère. Et conduisit André Malraux en 1966, alors ministre de la Culture, à instituer une loi de sauvegarde des monuments historiques permettant à l’État de mettre en demeure les propriétaires de procéder à des travaux de réparation. Après avoir appartenu à un riche Anglais, Fytche, suite à François-Racine de Monville qui le céda avant la Révolution, puis au premier prix Nobel de la Paix, Frédéric Passy, la ville de Chambourcy en devient la propriétaire en 2007 pour un euro symbolique. À nous, aujourd’hui, d’emprunter ses allées sinueuses et de cheminer dans ces temps perdus.