VIBRATIONS TEXTILES
Yentele. Comme un nom, un cri, le mot embrasse une écriture. De son atelier en Charente à celui de Paris, l’artiste déploie ses « Palimpseste » rehaussés de fils de coton perlé.
Yentele. Comme un nom, comme un cri, le mot embrasse une écriture. Un dialogue entre la matière textile brute et le geste pictural, entre la broderie et la couleur. De son atelier en Charente à celui de Paris, l’artiste déploie ses «Palimpseste» rehaussés de fils de coton perlé. Le rythme s’applique à l’ouvrage. Yentele vient d’entamer une collaboration exclusive avec la galerie Chevalier.
Au commencement il y eut la toile. Une simple trame. Une matière si commune et si riche aux yeux de Yentele qu’elle y inscrit la genèse de ses origines. Petite fille attentive au métier de brodeuse côté maternel, élevée à l’amour de la terre rugueuse, minérale et brute, côté paternel. Nourrie par un long séjour en Égypte au point d’y cultiver son amour des étoffes et d’enseigner sa langue, elle a la fibre textile, comme on a la fibre voyageuse. En présence de tissus anciens, sa mémoire tactile trouve à coup sûr une résonance. Le processus créatif, qui l’anime, rythme son atelier en Charente. Face à des paysages infinis, elle y peint et déploie cette gestuelle libre et ample qui est sa signature. De retour à Paris, l’atelier de la rue de Savoie accueille le geste mesuré de la broderie qui ourle de couleur et souligne. Le défaut de la pièce de lin ancien est le point de départ de chaque oeuvre. Dans la lumière naturelle de l’atelier, il s’agit de le recouvrir par la peinture, puis plus tard par la broderie à la manière d’un palimpseste, ces manuscrits constitués d’un parchemin dont on a fait disparaître les inscriptions pour pouvoir y écrire à nouveau. «Je ne réfléchis pas en termes de dessin, ditelle, mais d’épaisseur, de rugueux, d’opaque, de dense. Le tissu boit la peinture, le pinceau accroche le tissu. Une écriture nouvelle se fixe sur une écriture ancienne, marquée par le temps, la rouille, et la décoloration. » Céline Letessier et Amélie-Margot Chevalier, directrices de la galerie Chevalier choisissent de représenter Yentele dans leur espace de la rue de Bourgogne à Paris. Une nouvelle collaboration, exclusive, placée sous le signe de l’intuition, de la confiance et d’un socle culturel commun. Spécialisée en art textile contemporain et tapisseries anciennes, la galerie s’est sentie interpellée par son univers, la maturité de son geste et la densité d’un langage singulier. Elle a perçu en elle une capacité naturelle à investir un lieu, à s’adresser autant à l’attente d’un collectionneur qu’à l’élaboration d’un décor sur-mesure. «Sa vie d’artiste s’ouvre au monde, dit Amélie-Margot Chevalier, elle est au début de quelque chose et nous sommes extrêmement curieuses de suivre son chemin» Au-delà de l’atelier, sur fond de requiem, la maison se prolonge avec la même justesse et sobriété. Avec ce sentiment déjà pressenti dans ses toiles d’un espace rigoureux mais intensément habité où liberté, couleur et discipline peuvent cohabiter sans réserve, où il est permis d’oser juste pour le plaisir. Restaurer une ruine dans le respect des pierres d’origine, s’accorder le temps de chiner la juste pièce, contempler le paysage et les saisons. «J’avance en faisant», dit Yentele à la manière d’une musicienne qui ferait ses gammes. Le souffle de la création trouve un écho construit dans sa confiance. À l’évidence d’une rencontre pas tout à fait fortuite, Yentele expose depuis janvier à Paris à la galerie Chevalier.