LA MODE EST UNE FÊTE
Souvenirs sur la scène du théâtre du Châtelet, du dernier défilé Haute Couture Printemps/Été 2020 de Jean Paul Gaultier. Une ode punk et rock à une création libre avec beaucoup d’allure délurée.
Et Paris en est la capitale. Elle se joue, se surjoue, se déjoue. Elle est culturelle, politique, sociologique. Sur la scène du Châtelet, son enfant terrible, le dernier des Mohicans d’une génération de créateurs comme Kenzo, Mugler, Alaïa… Jean Paul Gaultier a entonné son dernier défilé Haute Couture. Une ode punk à la création, sans gêne aux entournures, avec beaucoup d’allure délurée.
DESSOUS-DESSUS PAGE DE GAUCHE
Thème II, « Ça peut servir ». Rien ne se perd, tout se transforme en Haute Couture… Ici des tambours de broderie. Tout va partir à la plus belle.
PAGE DE DROITE
1. Noémie Lenoir. Thème VIII, « Satyre Icons ». Décadence de prothèse couture sur classiques revisités.
2. Dita Von Teese. Thème III, « Déshabillez-moi ». Les dessous prennent le dessus et se dévoilent au grand jour façon couture.
3. Thème XII, « Qui s’y frotte s’y print ». Renaissance couture de motifs émotifs.
4. Iris Mittenaere. Thème XIII « La brodeuse pète les plombs ». des centaines d’heures de dessins brodés pour quelques secondes de beauté.
« Quand j’ai vu le film Falbalas, je devais avoir 12-13 ans et là j’ai su que je voulais faire ce métier, comme le personnage, qui était là avec les essayages et le défilé! (…) Pour moi la mode c’était surtout faire un défilé. S’il n’y avait pas eu le défilé peut-être que je n’aurai pas fait de mode, j’aurais fait des costumes de théâtre ou des costumes de cinéma », déclare Jean Paul Gaultier lors de l’inauguration de sa rétrospective au Grand Palais en 2015, avec un record 1,5million de visiteurs. Pour son ultime défilé Haute Couture – il avait déjà arrêté le prêt-à-porter en 2015 «faute d’espace de liberté» – le spectacle est digne d’une comédie musicale à la Jean Paul Gaultier. Tout commence par un extrait du film de William Klein de 1966 Qui êtes-vous Polly Maggoo ?, lors d’une séance de prises de vue de mode se déroulant dans un cimetière, une réplique fuse : « Est-ce que Paris est mort? Enfin la Haute Couture, vous comprenez». Puis sur la scène à l’italienne du théâtre du Châtelet, six costauds tout de noir vêtus portent, en dansant, un cercueil avec seins en obus. Un mannequin affiche dans son dos une couronne mortuaire «La mode pour la vie». Boy George entame le tube d’Amy Winehouse Back to Black, 230 silhouettes vont se croiser, se frôler, s’interpeller pendant plus de soixante minutes, séquencées en nombreux tableaux. Ils envoient, dans une profusion de matières et une perfection de réalisation qui laissent béat, les thèmes fétiches du créateur. Le jean, la marinière, la crinoline, le corset, le camouflage, les tatouages, la jupe masculine, le costume féminin, le trompe-l’oeil… Rien n’a été oublié et tout a été «upcyclé» – issu du recyclage. Technique employée déjà quand il créa sa marque après quatre ans chez Pierre Cardin qui lui a appris «que tout est permis, que rien n’est définitif et qu’on peut parfaitement fabriquer une chaussure avec un lambeau de tissu trouvé par terre». Une jupe s’invente en dizaine de cravates, des ceintures sculptent un fourreau, des gants enserrent un corps de dentelle, un perfecto en donne dix, une robe ne conserve que son armature… Dans le programme qui s’apparente à un manifeste, on peut lire « Cinquante balais, du balai! Pour cette dernière collection qui marque mes 50 ans de mode, j’ai eu envie d’être fidèle aux thèmes qui m’ont toujours obsédé, les marins, l’androgynie… en les extrapolant, en allant plus loin que jamais. C’est une célébration, d’hier, d’aujourd’hui et surtout de demain. Je pense que la mode doit changer. Il y a trop de vêtements et trop qui ne servent à rien. Ne les jetez pas, recyclez-les. Un beau vêtement est un vêtement vivant… Ce soir c’est ma première collection Haute Couture upcycling, j’ai ouvert tous les tiroirs, j’ai récupéré toutes mes anciennes collections… pour en faire des confettis et les réutiliser… Tout un travail d’artisanat et de couture ». Mémoriel aussi pour cet immense couturier. En témoignent ses anciens élèves, ses amis de toujours, Nicolas Ghesquière, Christian Louboutin, Julien Dossena, Viktor & Rolf, Dries Van Noten, Kenzo Takada, Clare Waight Keller, Ulyana Sergeenko, Inès de la Fressange, Farida Khelfa, Leatitia Casta… tous présents!