PARTAGE D’ÉPOQUES
Chez le fondateur d’Archimobilier, frontières privées et publiques s’effacent au bénéfice de la création. Rive gauche, l’appartement-galerie d’Éric Sode met en scène ses éditions dans les volumes d’un hôtel particulier du XVIIIe siècle et présente sa lign
Dans cet hôtel particulier du XVIIIe divisé en appartements, les propriétaires ont institué la règle suivante : ici, le dernier locataire choisit son successeur et fait le lien avec eux. Un rite qui facilite la transmission, la confiance et les valeurs partagées, comme une chaîne bienveillante, d’esthètes et d’amateurs éclairés, qui protégerait naturellement l’âme des lieux. D’un locataire à l’autre, la mémoire de ces murs s’est ainsi enrichie de strates, de passages. L’histoire des anciens occupants a inspiré les nouveaux. À une époque, la femme de lettres Louise de Wilmorin y avait ses habitudes, il y a quelques années la styliste Peggy Huyn Kinh passait la main et cédait sa place à Éric Sode, à l’origine du nouvel épisode créatif de cet appartement qu’il transforme en galerie à domicile. Quand il s’y installe, ses années de collaboration avec le VIA et sa connaissance des coulisses du design projettent plus loin ses ambitions. Son désir de franchir le pas vers l’édition prend alors définitivement forme dans ces murs. Passionné d’art, il envisage la création d’une ligne de mobilier sculptural, dont l’orientation artistique prendrait le pas sur la fonction. Des meubles architecturés, dessinés comme des oeuvres dans l’espace, combinant l’usage de matériaux pauvres traités de façon précieuse. Des meubles baptisés selon un principe de codage chiffré qui souligne l’intention technique et le concept d’une collection conçue comme un jeu de construction. Archimobilier est né ainsi, les designers choisis par le galeriste, pour la plupart architectes, ont le sens de la ligne épurée. Loïc Bard, Nicolas Granger, Martin Massé, le studio Forest & Giaconia, Frédéric Imbert ou encore Frédéric Saulou accompagnent le concept de ces meubles-sculptures en série limitée, explorant les nouveaux usages et matériaux. Une collection que le fondateur Éric Sode agrémente à son tour en créant certains modèles. Présentés et mis en scène dans l’espace privé du galeriste, ils révèlent leur intemporalité et jouent sur les contrastes d’époques. De l’architecture XVIIIe en toile de fond au XXIe siècle, les distances se dissipent pour ne faire qu’une. Preuve en est, le graphisme post-moderniste de la «Console #03» en pierre de Bourgogne et laiton, dessiné par Frédéric Saulou, récemment acquise par le Mobilier National pour un palais de la République. Chez lui, l’atmosphère épurée et la scénographie minimale laissent la place à ces « architectures mobilières » traversées d’influences et d’époques. Parquet à nu, murs blancs, belle hauteur sous plafond, des éléments de cuisine design posés dans l’espace à même le sol… L’ensemble privilégie une esthétique radicale sans bavardage qui plonge ces volumes dans une intemporalité absolue.