EN COULISSES
PAGE DE GAUCHE
Backstage, défilé Dior Croisière 2020 au palais El Badi de Marrakech. Les silhouettes de Maria Grazia Chiuri, la directrice artistique de Dior, s’interprètent en 100 % wax.
PAGE DE DROITE
Jupe accolant différentes impressions, dans un dialogue créatif polyphonique pour une collection baptisée « Terrain d’entente ».
Pour moi, Dior est une grande marque, si on envoie le message, les gens le reçoivent », explique Maria Grazia Chiuri à la sortie du défilé Croisière 2020, qui a lieu pour la première fois à Marrakech. Le choix du wax omniprésent dans les créations revêt, à la lumière de sa déclaration, tout son sens. À ses côtés, l’anthropologue Anne Grosfilley, spécialiste de ce tissu à l’origine inspiré du batik indonésien, dont les PaysBas importent la technique au XIXe pour finalement l’exporter en Afrique, souligne que « le wax est plus un élément de langage qu’un tissu », que ses motifs délivrent des missives décryptées entre femmes. Maria Grazia Chiuri s’associe à la manufacture Uniwax de Côte d’Ivoire à qui elle donne carte blanche pour imaginer un wax réinterprétant les thèmes fétiches de Dior, la toile de Jouy, le tarot… La technique est particulière : les dessins se gravent dans leur version négative sur de gros rouleaux de cuivre enduits de cire, cette dernière empêchera par la suite l’imprégnation des différents bains de teintures, jusqu’à vingt, dans les fibres. Les craquelures dans les motifs, le décalage d’une couleur sur une autre, témoignent d’un processus manuel. La collaboration avec les artisans africains ne s’arrête pas là. Maria Grazia Chiuri intègre dans cette collection Croisière, qui peut représenter aujourd’hui la majeure partie du chiffre d’affaires d’une marque demeurant en boutique sur un temps long, d’autres créateurs. Pathé Ouédraogo, originaire d’Abidjan, à l’immense notoriété pour avoir habillé Nelson Mandela, rend hommage à ce dernier avec une chemise à son effigie, qui fera l’ouverture du show. La jeune créatrice Grace Wales Bonner, diplômée du Central Saint Martins College de Londres et lauréate du prix LVMH en 2016, qui a lancé sa griffe Wales Bonner, transpose la fameuse veste Bar conçue par Christian Dior, dans une technique de crochets et de broderies afro-caribéenne. Quant à l’artiste afro-américaine Mickalene Thomas, elle lui applique ses collages sous la forme de patchworks illustrant une féminité plurielle. Turbans et chapeaux se modèlent à plusieurs mains, entre la modiste afro-caribéenne Marine Henry et le chapelier britannique Stephen Jones. La scénographie prête aussi à une mise en avant de l’association marocaine Sumano qui protège et promeut les savoirfaire des potières et des tisserandes. Par ce dialogue artistique polyphonique, Maria Grazia Chiuri en découd avec le système d’appropriation culturelle.