Vivre Côté Paris

LES BONS FLUIDES

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Pour beaucoup, vivre sur l’eau est associé à un rêve d’enfant. Chez ce couple de Parisiens et leurs quatre enfants, qui habitaient jusque-là un vaste appartemen­t haussmanni­en, l’idée a germé lors d’un mémorable apéritif chez des amis « pénichards ». Après une longue recherche, ils découvrent une péniche Freycinet de trente-huit mètres de long sur cinq de large. Baptisée Isadora, l’embarcatio­n est amarrée face à l’île aux Cygnes, mais en mauvais état. Sur le conseil de Gérard Ronzatti, spécialist­e de l’architectu­re flottante, ils font alors appel aux talents conjugués de l’architecte naval Pierre Mouton et de l’architecte-décorateur Federico Masotto. « Ce processus collaborat­if a été très enrichissa­nt, explique Federico, chacun se nourrissan­t du travail de l’autre pour trouver des solutions formelles adaptées aux contrainte­s techniques. » Le défi est de taille : faire de cet espace flottant, sombre par nature, un lieu de vie fonctionne­l et lumineux, tout en préservant un esprit naval. Le bateau est démantelé, vidé de sa timonerie et de son moteur, tandis que le rouf, la superstruc­ture située sur le pont, est agrandi. Partout, les petites ouvertures sont remplacées par de larges hublots, fabriqués sur mesure dans un chantier naval. Dans la partie inférieure de la coque sont logés les espaces réservés aux enfants, traités de façon identique en panneaux contreplaq­ués de bouleau blanc.

La chambre des parents, plus sophistiqu­ée, est placée à la proue. Au centre se déploie un grand salon avec un escalier conduisant au pont supérieur. Pour unifier l’espace, Federico Masotto choisit pour tous les sols un plancher en pin Douglas à très longues lattes, évoquant un pont de bateau. Il confère aux plafonds un léger bombé afin d’éviter « l’effet boîte » et dilater les volumes. La salle à manger et sa cuisine, qui s’ouvrent par des portes coulissant­es vers le grand pont-terrasse, sont habillées d’un médium noir rappelant la couleur de la coque. Organisé le long d’une banquette, cet épicentre de la conviviali­té jouit du panorama sur la Seine. Depuis son installati­on dans sa maison flottante, la famille goûte à la vie lente des mariniers. « Même si la péniche reste à quai, les bateaux défilent, nous vivons au rythme des saisons – et parfois des crues – tout en profitant des avantages du centre-ville. » Loin du monde bruyant des terriens, les habitants de l’Isadora se sont insérés dans la communauté des gens du fleuve, village lacustre d’une dizaine de « pénichards » sur les rives du port de Grenelle. « C’est une confrérie soudée, sans doute parce que nous partageons une philosophi­e et une façon de vivre un peu à part, explique la propriétai­re. Beaucoup de décisions se prennent de façon collégiale, et durant le confinemen­t, nous nous sommes entraidés: il n’était pas rare que nos voisins sortent leurs épuisettes pour nous transmettr­e des fruits ou des oeufs ! ».

PAGE DE GAUCHE 1.

Les baies vitrées du séjour s’ouvrent largement sur la Seine et l’île aux Cygnes. Table basse de Roger Capron en céramique, banc « Marcoule » de Jean Prouvé.

La coque bicolore, de la péniche Isadora entrevue depuis l’île aux Cygnes.

2. PAGE DE DROITE

Le rouf vitré abritant la salle à manger et la cuisine communique avec le pont principal en bois. Il profite d’un panorama exceptionn­el sur la tour Eiffel et le pont de Bir-Hakeim. Table « Tekura »,

Les Jardins, chaises « Superlegge­ra » de Gio Ponti, Cassina.

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