La lutte des classes 2.0
Il y a un demi-siècle éclatait un mouvement révolutionnaire, un soulèvement populaire qui réclamait l’avènement d’une nouvelle ère, plus sociale et égalitaire, une liberté sexuelle émancipée des traditions. Que reste-t-il aujourd’hui de l’esprit de mai 68 ? Cette lutte sociale a sans aucun doute accéléré l’évolution des moeurs et des mentalités et contribué à modifier profondément les équilibres de nos sociétés européennes. Aujourd’hui, en Allemagne comme en France, les femmes parviennent à concilier vie professionnelle et vie personnelle. Pourquoi fonder une famille devrait-il les empêcher de faire carrière ? Depuis une dizaine d’années, les ménages aisés happés par leur vie active font de plus en plus souvent appel à des services externes pour assurer les tâches qu’assurait autrefois la femme au foyer. En quelques clics, une organisation millimétrée s’amorce. Fille au pair et nounou gardent les enfants pendant que la femme de ménage nettoie l’appartement et un coursier à vélo apportent le dîner. A la fin de la journée, les parents n’ont plus à courir après le temps, mais juste à jouir des instants de pur loisir qui leur restent avec leurs enfants. Seulement, les conditions de travail de ces travailleurs sont rarement reluisantes : tantôt non déclarés, tantôt employés dans des conditions de flexibilité aliénantes, avec des garanties sociales minimes. Le Spiegel s’interroge sur cette nouvelle société : est-il juste d’employer des personnes souvent vulnérables – jeunes, étrangers parfois en situation irrégulière – à des tarifs avantageux, pour se délester des tâches quotidiennes ? Les acquis sociaux portés par mai 68 nous auraient-ils paradoxalement menés vers une nouvelle société de classes 2.0 ?