VOGUE France

7 questions à Jean Touitou

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Le fondateur d’A.P.C. compile les archives de son travail (et un peu de sa vie perso) dans un livre, Transmissi­on, dont il prédit que tout le monde l’appellera simplement «le livre A.P.C.», et ça lui va comme ça. Le livre s’intitule Transmissi­on. Qu’essayez- vous de transmettr­e à travers lui ? Il y a environ deux ans, je me suis dit que le devoir des parents, c’était de donner à leurs enfants une sorte de guide pour l’existence. J’ai commencé à écrire. Je me suis retrouvé dans un tunnel d’écriture et me suis interrompu car je n’avais pas envie de rédiger quelque chose de trop profond. Mais j’avais remué des archives, retrouvé des documents personnels… C’est ce qui m’a donné envie de concevoir ce livre que je n’ai «pas écrit, mais récolté», comme l’a un jour dit Proust. En trente ans d’A.P.C., j’avais tellement accumulé que je n’avais qu’à me pencher pour ramasser. Et me faire le «curator » de mon propre travail. La première partie contient de nombreux documents privés ( photos, diplôme…) datant d’avant A.P.C. Pour bien appréhende­r le travail de quelqu’un, on doit être au fait de sa vie personnell­e ? Je crois que c’est mieux, oui. Les gens ont une structure particuliè­re, plus apparente quand ils sont jeunes qu’âgés. C’est toujours éclairant de la connaître. La seconde partie reprend les textes explicatif­s que vous rédigez pour chaque collection depuis 2013. Avez- vous eu, avant cela, l’impression de ne pas être bien compris ? Très souvent. Je fais des habits assez simples, mais le discours est élaboré. Je me suis fait violence, au départ, pour rédiger ces textes parce que j’en avais assez qu’on dise «il fait des bons basiques». Je pourrais aussi bien faire une mode très ornementée, mais ça ne m’intéresse pas. Mon message de mode est très simple, très pur. Le problème, c’est qu’on a vite fait de l’estampille­r «simpliste». La marque détonnait- elle dans le paysage, quand vous l’avez lancée ? Oui, elle était très singulière au milieu de tout ce qui se faisait à l’époque. Les plus proches étaient Romeo Gigli et Comme des Garçons, non pas du point de vue du design, mais du travail réalisé sur les matières. En trente ans, qu’avez- vous principale­ment réussi ?

Ce n’est pas évident de ne pas avoir honte de ce qu’on a fait… Je suis tout de même assez fier d’être parvenu à rester indépendan­t financière­ment. Et aussi à contenir le succès d’A.P.C., car une marque énorme est une marque difficile à contrôler. Un exemple : ces dernières années, nous avons eu beaucoup de demandes sur les sacs qui, comme chacun sait, peuvent représente­r jusqu’à 80-90 % du business des grandes maisons. On a choisi de limiter leur production pour continuer à se concentrer sur les collection­s, les défilés. Maintenir le propos sur ce qu’est le coeur de la marque depuis le début. Vous parlez d’A.P.C. comme de votre outil d’expression. Expression de quoi ? D’une radicalité. Plus jeune, j’ai été dans une radicalité politique absolue – je croyais en une révolution communiste. Quand j’ai créé A.P.C., c’était la même chose, une mode sans compromis. Aujourd’hui, penser à moi comme au trotskiste qui a 70 boutiques, ça fait ricaner tout le monde. Pourtant, je n’ai pas le sentiment d’avoir trahi mes idéaux. Je fais une mode radicale, et c’est une forme de culture. Une mode à message ? Forcément. Un vêtement, ça dit quelque chose. C’est très politique, au fond…

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