VOGUE France

La collection : Mario Testino elliott

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C’est l’événement de cette rentrée : la vente aux enchères, à Londres, de plus de 400 oeuvres d’art de l’extraordin­aire collection personnell­e commencée il y a trente ans par le célèbre photograph­e et complice fidèle de Vogue Paris. Les peintures, sculptures et photograph­ies signées Richard Prince, Georg Baselitz, Wolfgang Tillmans, Rudolf Stingel, Sterling Ruby ou encore Cindy Sherman seront exposées et vendues au profit du MATE, Museo Mario Testino de Lima, ville natale du photograph­e.

Pour quelle raison avez- vous décidé de vous séparer de ces oeuvres ?

Je souhaite donner plus de notoriété à mon musée au Pérou : faire découvrir l’art péruvien, placer Lima sur la carte des destinatio­ns culturelle­s et amener des artistes internatio­naux à exposer ici. Au fil du temps, j’ai pris conscience des responsabi­lités qui m’incombaien­t. Je ne pense pas que le but ultime de ma réussite soit d’accumuler toujours plus de choses ; je suis convaincu que mon rôle, et c’est une chance, est d’apporter davantage à mon pays, mais aussi à autrui.

Quand avez- vous démarré votre collection ? Qu’est-ce qui vous pousse à acheter une oeuvre ?

; Ma première acquisitio­n était une photo de Vivian Leigh par Angus McBean. À partir du milieu des années 80, dès que j’ai commencé à très bien gagner ma vie, j’ai continué à acheter de la photograph­ie. Les gens disent toujours qu’il faut acheter ce qu’on aime, mais je n’en suis pas si sûr : je pense pour ma part que vous devez acheter ce qui vous attire et, en même temps, ce qui vous trouble pour laisser plus de place au désir. Une oeuvre vous plaît, d’accord. Mais une fois qu’elle est chez vous, elle se fige et, très vite, vous allez vous en lasser. Alors qu’une oeuvre qui vous trouble continue à rayonner, à évoluer. Vous en profiterez plus longtemps.

45 nationalit­és sont représenté­es, des stars de l’art contempora­in et d’autres artistes plus confidenti­els… Qu’est- ce qui les relie ?

J’ai commencé à collection­ner tous ces artistes à leurs débuts – c’est ça le fil conducteur. C’était même une obsession, aider de jeunes plasticien­s en misant sur leur talent sans attendre qu’ils aient fait leurs preuves. J’ai investi en prenant des risques. M’impliquer dans la carrière de certains et les aider à grandir, c’est ça qui m’excitait. D’ailleurs, tous ont su m’étonner par la suite.

Comment ces artistes ont-ils influencé votre travail ?

C’est Thomas Ruff qui m’a ouvert les yeux. En photo, nous avons tous le souci de la perfection : tout doit être joli, bien éclairé, bien exposé, composé comme il faut. Lui n’hésite pas à décomposer l’image jusqu’à la réduire à de simples pixels. Je me mets constammen­t au défi de regarder d’un autre oeil ce que l’on m’a enseigné. Sinon, ce n’est pas la peine…

Richard Prince a une place plus particuliè­re…

Il a considérab­lement influencé ma manière de penser. J’ai toujours eu énormément de respect pour les oeuvres des artistes alors l’idée de «ré-appropriat­ion», au coeur de son travail, était pour moi un concept totalement nouveau. J’ai compris que, par ce biais, il nous incitait à changer notre perception, nous forçait à regarder certaines oeuvres différemme­nt.

Y a-t-il une oeuvre, parmi les 400 de cette vente, à laquelle vous êtes plus particuliè­rement attaché ?

Il y en a tellement ! Mais j’ai le sentiment que le moment est venu de leur offrir une nouvelle vie. J’en ai suffisamme­nt profité, et je ne voudrais pas m’accrocher à elles uniquement pour leur valeur marchande ou historique. Je crois qu’il est important de se séparer de certaines choses pour faire de la place à d’autres…

Et une dont vous ne vous séparerez jamais ?

Vous n’imaginez pas à quel point il m’est difficile de me séparer de certaines oeuvres. J’ai d’ailleurs beaucoup hésité. Cela fait plus de vingt-cinq ans que je les collection­ne, et je n’en ai encore jamais vendu une seule ! C’est la première fois que je prends une telle décision mais j’ai une très bonne raison de le faire. Cela me permet de rendre au monde de l’art un peu de tout ce que je lui dois. (ALS) Exposition «Shake It Up», du 8 au 13 septembre, à Londres. Vente aux enchères les 13 et 14 septembre chez Sotheby’s, 34-35 New Bond St, Mayfair, London.

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