VOGUE France

La fraîchetou­chPar

Révélée (entièremen­t) dans Nymphomani­ac de Lars von Trier, STACY MARTIN interprète Anne Wiazemsky, alors dans mariée Le Redoutable, à Jean-Luc Godard, de Michel Hazanavici­us. Un rôle bohème et décalé qui sied comme un gant à cette ex-mannequin franco- bri

- Adrien Gombeaud. Photograph­e Jonas Unger.

au bar de l’hôtel pigalle, stacy martin plonge sa petite cuillère dans un bol de compote de pommes. Puis elle porte ses doigts à ses lèvres. Geste délicat qui réveille un plan stupéfiant de Nymphomani­ac. C’était une image frappante et crue…, indescript­ible en vérité. Stacy Martin est née au cinéma dans la lumière blafarde d’un train de nuit. Trois ans et sept longs-métrages plus tard, l’actrice campe Anne Wiazemsky dans  Le  Redoutable, de Michel Hazanavici­us, présenté à Cannes au printemps dernier. Le film retrace l’histoire d’une jeune comédienne amoureuse d’un Godard mégalo et dépassé par les événements de Mai 68. À Paris, en cette fin juin 2017, le fond de l’air est brûlant. «J’avais envie de quelque chose de frais», souffle l’actrice en reposant sa cuillère. Elle pourrait aussi bien parler du film qui lui offre son rôle le plus léger depuis ses débuts chez Lars von Trier. À l’écran, Jean-Luc Godard se fige malgré lui dans son propre mythe tandis que son épouse s’ouvre au monde qui change et commence à vivre sa vie. Hazanavici­us la filme en patins à roulettes, virevoltan­te dans un Paris aux pimpantes teintes sixties. «En approchant la comédie, j’ai trouvé une nouvelle liberté», sourit l’actrice. Le réalisateu­r d’OSS 117 et de The Artist exploite pour la première fois la facette la plus évidente de Stacy Martin, son profil aérien de ballerine pop. Quelque chose de frais, donc.

«Je n’ai jamais éprouvé un désir fort de devenir comédienne.Alien Card Ou alors inconsciem­ment peut-être.» Son premier rôle fut Cyrano de Bergerac à l’atelier théâtre de son collège. Non, pas Roxane mais bien Cyrano, avec la cape et le nez postiche. «Parce qu’on manquait de mecs.» Née un 1er janvier, aux frontières de deux années, Stacy Martin est une éternelle décalée. Elle a 7 ans quand sa famille quitte la France pour Tokyo. «Je me souviens d’avoir reçu mon permis de séjour, une “Alien Card”. Avec un tel document, on comprend qu’on ne fera jamais partie de la culture du pays qui vous accueille. Au Japon, on reste toujours un étranger.» À 13 ans, le retour à Paris est difficile. «Tokyo était une ville formidable pour une enfant. J’allais à l’école seule, j’étais très indépendan­te.» Passé la majorité, un nouveau départ s’impose. «En retrouvant Paris, j’avais eu le sentiment de faire un pas en arrière. Je ne savais pas ce que j’avais envie de faire mais je voulais le faire par moi-même. Jusqu’ici, j’avais suivi mes parents. Désormais, je voulais décider seule d’aller quelque part. Sans doute était-ce une façon de retrouver la liberté que j’avais eue enfant au Japon. Et puis, à un moment, on a toujours envie de partir, vous ne croyez pas ?» Ce sera l’Angleterre, le pays de sa mère. Ici s’ouvre peut-être le chapitre le plus déterminan­t de sa vie, celui qui va se confondre avec ses futurs choix d’actrice. De façon différente, ses trois principaux films racontent trois histoires de filles qui s’emparent de leur destin. Il y a Joe, l’héroïne de Nymphomani­ac de Lars von Trier, sa quête d’absolu à jamais inassouvie à travers toutes les expérience­s sexuelles possibles. Il y a Louise de Taj Mahal, confrontée au terrorisme, survivante et renaissant­e. Et puis Anne dans Le Redoutable et son chemin vers la liberté : «À ce stade, elle ne sait pas qui elle est vraiment. Elle se découvre et ; s’interroge : a-t-elle envie de poursuivre cette relation avec Godard ? Quelle place tient-elle dans ce couple ? À mes débuts, je me suis aussi posé pas mal de questions : avais-je envie de faire ce métier ? Dans quelle direction aller ? Mais j’ai traversé cette phase beaucoup plus tôt.» C’est l’époque où Stacy se paie des cours de théâtre avec ses cachets de mannequin. Le soir, elle fréquente les balcons du National Theatre et les salles de cinéma. Surtout, elle apprend à aimer une capitale vibrante qui finira par l’adopter : «Londres change énormément, tout le temps. La France a le réflexe de protéger une culture et une histoire dont elle est fière, ce qui fait de Paris une ville à la fois magnifique et figée. À Londres, j’ai trouvé plus d’ouvertures.» Elle n’y aura pas connu la bohème des comédiens fauchés. Son premier film est un événement mondial. Au festival de Berlin,

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 ??  ?? ci-dessous, Louis Garrel incarne Jean- Luc Godard, ci- contre avec Anne Wiazemsky, incarnée, en bas, par Stacy Martin.
ci-dessous, Louis Garrel incarne Jean- Luc Godard, ci- contre avec Anne Wiazemsky, incarnée, en bas, par Stacy Martin.
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