La baie de Somme menacée
Une baie qui s’ensable, de moins en moins d’eau, des prés qui se multiplient : la baie de Somme, classée Grand site de France, connaît une évolution qui risque de compromettre sa vocation maritime avec des répercussions sur l’économie, le tourisme et l’écologie. « C’est une dynamique naturelle mais qui a été accélérée par les constructions de l’homme. La poldérisation, cette conquête des terres sur la mer grâce aux digues, a diminué la surface de l’estuaire et la canalisation de la Somme a fait qu’on n’a plus d’effet de chasse sur l’ensemble de l’estuaire » explique Patrick Triplet, directeur de la Réserve nationale de la baie de Somme. Selon lui, nous sommes passés de 40 hectares de végétation au début du siècle, à plus de 2 000 aujourd’hui. Les bateaux doivent zigzaguer entre les bancs de sable pour arriver à bon port au Hourdel, à Saint-Valéry ou au Crotoy. Certains pêcheurs à pied se sont même reconvertis dans la mytiliculture… Cette évolution de la baie de Somme pourrait sonner le glas du tourisme et de l’économie liés à la mer (pêche, activités nautiques) et profiter à l’agriculture. « Les gens ne viendront plus dans la baie de Somme pour voir de l’herbe » s’inquiète M. Triplet. « S’il n’y a plus rien à manger, les oiseaux migrateurs ne vont plus venir et vont changer d’endroit » prévient Julia Bastide, chercheuse dans un laboratoire du CNRS. Les pouvoirs publics ne restent pas les bras croisés. Le conseil départemental, en charge des ports a, depuis les années quatre-vingt, multiplié les actions pour préserver leur accès. Des bassins pour stocker l’eau et des chasses hydrauliques ont été conçus, avec le même principe que pour les toilettes : créer ponctuellement un gros débit d’eau pour repousser les sédiments. Autre projet sur la table : la « dépoldérisation » d’une trentaine d’hectares de la baie, à la ferme Caroline. Certains fondent leurs espoirs sur l’extraction du sable de la baie. « Plutôt que de creuser des trous dans l’arrière-pays, exploitons les gisements de sable directement dans l’estuaire » , propose M. Triplet, réclamant une étude de faisabilité. Si c’est du sable coquillier, nous savons déjà qui cela peut intéresser (voir page suivante l’information sur Lannion).