Ces vieilles coques qui murmurent…

Le marché de l’occasion, c’est bien plus qu’un immense parc de bateaux à faire circuler d’un propriétaire à l’autre, à faire vivre et à faire naviguer. Ce n’est pas pas seulement la voie d’accès à la propriété pour des centaines de jeunes plaisanciers, ça ne représente pas uniquement l’écrasante majorité des transactions dans le secteur du nautisme. L’occasion c’est aussi, c’est surtout une formidable opportunité de rêver et d’apprendre. Arpentons les chantiers, les terre-pleins, les pontons. Mais marchons sur la pointe des pieds et tendons l’oreille : chacune de ces coques au polyester plus ou moins humide, au gel-coat plus ou moins farineux, nous raconte une histoire. Celle d’une famille nombreuse qui partait chaque été – avec des enfants un peu plus grands à chaque fois – sur ce Sun Magic défraîchi, d’un groupe de copains qui a sué sang et eau pour restaurer, peindre et poncer ce Cognac encore fringant, avant de s’engueuler à cause d’une sombre histoire de talonnage, ou celle des amoureux qui ont fait le tour de l’Atlantique sur cet improbable Super Arlequin à teugue… Histoires vécues, racontées, embellies, voire inventées de toutes pièces, au fond qu’importe ? Quand on achète un bateau, c’est une saga qu’on prolonge, qu’on porte un peu plus loin. En entretenant le bateau, en l’améliorant, en naviguant à son bord, c’est la passion des anciens propriétaires qu’on respecte et qu’on justifie. Tout un programme ! Mais revenons à notre marche silencieuse au chantier, entre ces coques en attente d’une nouvelle vie. Si vous écoutez bien, elles vous disent aussi la grande histoire du nautisme, de ses pionniers, ses visionnaires et ses grandes gueules, de Michel Dufour à François Challain en passant par Henri Wauquiez, Philippe Harlé et tant d’autres… Nous avons voulu leur rendre hommage, dans notre dossier sur les années quatre-vingt, en rapportant un certain nombre de témoignages et d’anecdotes. Elles nous ramènent à une vérité essentielle : toutes ces histoires de bateaux sont avant tout des histoires d’hommes. Des histoires qui donnent du sens à notre passion et qui constituent notre patrimoine commun. Alors à vos livres d’histoire ou à vos petites annonces, c’est le moment de rêver. Et si l’occasion fait le larron, que ces vieilles coques-là continuent surtout à faire des marins heureux.