De la théorie à la pratique
Les batteries sous haute tension
EN 1859,
le Français Gaston Planté fut le premier à mettre en pratique une idée vieille comme le monde : mettre l’énergie en bouteille. Il découvrit dans son laboratoire que la réaction chimique engendrée par l’immersion dans une solution d’acide sulfurique d’électrodes en plomb (plaques négatives) et en dioxyde de plomb (plaques positives) produisait de l’électricité. Au fur et à mesure de la décharge, la réaction s’affaiblissait en produisant du sulfate de plomb. Il suffisait alors d’appliquer un courant électrique aux bornes de la batterie pour inverser le processus, en transformant le sulfate de plomb en dioxyde et en reconcentrant la solution acide. En théorie, l’alternance des cycles charge/décharge devrait être éternelle mais dans la pratique, leur nombre est limité à quelques centaines, soit plusieurs années en utilisation continue. Ce chiffre varie grandement en fonction du niveau d’utilisation, de l’entretien, de la technologie utilisée, de l’installation, des conditions climatiques, etc.
UN NIVEAU DE DECHARGE A NE PAS DEPASSER
Dans tous les cas, le niveau de décharge profonde ne doit jamais dépasser les 50 à 80 % de la capacité nominale sous peine de vieillissement accéléré, voire de dommages irréversibles. Toutes les batteries souffrent aussi d’un certain taux d’autodécharge qui contribue à faire baisser la capacité au fil du temps, un phénomène qui s’accentue avec le froid. Par analogie, une batterie peut s’assimiler à un réservoir qui stocke l’énergie, puis la restitue au réseau électrique en fonction des besoins. La taille, ou capacité, du réservoir est donc étroitement dépendante de la quantité et de la puissance des équipements à alimenter. Un sousdimensionnement de la batterie rendra le système peu fiable, voire dangereux – rappelons au passage que le défaut électrique est l’une des premières causes d’incendie à bord, une raison essentielle pour ne pas prendre le sujet à la légère. Une même prudence s’impose au moment de l’installation : la charge d’une batterie ouverte classique engendre par électrolyse des dégagements gazeux d’hydrogène (au pôle négatif) et d’oxygène (au pôle positif), le mélange des deux étant potentiellement explosif en milieu confiné. Il faudra donc veiller à installer la batterie dans un coffre soigneusement ventilé et à n’utiliser que des chargeurs évolués, les meilleurs disposant même d’une sonde de température pour éviter toute surchauffe ! La technologie des accumulateurs au plomb-acide n’a cessé d’évoluer depuis son invention, mais son principe, simple, économique et efficace, n’a pas fondamentalement changé. Commercialisés dans les années 1990, les accumulateurs au lithium ont permis, à capacité égale, de diviser le poids par deux et d’augmenter sensiblement la capacité de cyclage, jusqu’à 1 000 cycles ou plus, de diminuer l’autodécharge... Les éléments à faible capacité, adaptés aux appareils mobiles, téléphones, GPS, appareils photo, etc., sont de loin les plus répandus, mais il existe aujourd’hui des accumulateurs au lithium à haute puissance, de 160 Ah, susceptibles de remplacer les batteries au plomb traditionnelles. La densité énergétique des batteries au plomb (soit la capacité d’accumulation par unité de masse, exprimée en Wh par kg) n’a rien de fulgurant puisqu’elle ne dépasse guère 50 Wh pour les modèles les plus performants, à comparer aux 100 à 160 W/kg de la batterie au lithium de n’importe quel téléphone mobile. Ce rendement exceptionnel a poussé la technologie au lithium au premier plan, en particulier dans le secteur des automobiles électriques. Outre son coût, près de dix fois
supérieur à celui des accumulateurs au plomb de même capacité, elle pose toutefois de sérieux problèmes de sécurité. L’instabilité naturelle du lithium oblige à équiper chaque cellule de la batterie d’un circuit de régulation sophistiqué, le moindre dysfonctionnement entraînant des risques de surchauffe, d’incendie, voire d’explosion. Ces incidents sont d’autant plus importants que l’incendie du lithium est difficile à éteindre, sa réduction dans l’eau dégageant de l’hydrogène hautement inflammable. Les extincteurs au CO2 ou au halon sont alors les seuls relativement efficaces. Face à ces problèmes, les fabricants multiplient les dispositifs de sécurité et développent des couples métalliques les plus stables possible.
LE LITHIUM EN QUESTION
Le lithium pose enfin une sérieuse question environnementale car, contrairement aux batteries au plomb qui disposent d’une filière de recyclage pleinement fonctionnelle depuis des décennies, le recyclage des nouveaux accumulateurs n’en est qu’à ses balbutiements. Dernier point, la ressource mondiale en sels de lithium, concentrée pour l’essentiel en Amérique du Sud, ne semble pas non plus inépuisable... Capable de supporter un courant de chargedécharge élevé, le lithium n’exige pas d’entretien, accepte les décharges profondes et n’a pas d’effet de mémoire, ce qui permet de le recharger à n’importe quel moment. Mais les chargeurs doivent disposer d’une courbe de charge spécifique à cette opération, ce qui n’est pas le cas de la plupart des modèles du marché. Le taux d’autodécharge est aussi plutôt faible, de l’ordre de 10% par mois, dont 3% pour les seuls circuits de régulation. Les fabricants travaillent depuis quelques années sur différents alliages métalliques, lithium-fer-phosphate ou lithium-nickelmanganèse-cobalt par exemple, afin d’augmenter la densité énergétique, de faciliter le stockage de longue durée, d’augmenter le cyclage et, surtout, d’améliorer la sécurité des éléments à haute puissance. Celle-ci repose sur des circuits de protection électroniques évolués (BMS, Battery Management System), qui protègent et régulent chaque cellule de la batterie. Une sophistication qui, ajoutée à la fabrication des éléments eux-mêmes, influe directement sur les prix. La toute première batterie li-ion spécifiquement conçue pour un usage marin à haute puissance a été présentée en novembre 2008 au Mondial de l’équipement d’Amsterdam par la société hollandaise Mastervolt, grande spécialiste de l’énergie mobile. Le ticket d’entrée dans la famille lithium à haute puissance reste encore élevé, de l’ordre de 2 800 € pour une capacité de 160 Ah...