La régate sans les mains!
COMPARATIF DE PILOTES Trois Sun Fast 3200 préparés Transquadra et équipés chacun d’un modèle de pilote in board différent, ou l’équation parfaite pour lancer un comparatif sur le plan d’eau du pertuis d’Antioche.
POUR REALISER
ce comparatif dans les règles de l’art, nous étions à la recherche de trois bateaux identiques pourvus de pilotes in board les plus performants du marché. Pour le choix du voilier idéal, nous avons rapidement jeté notre dévolu sur un support répandu, généralement bien entretenu par ses propriétaires respectifs et tourné avant tout vers la régate au large : l’incontournable Sun Fast 3200 de chez Jeanneau lancé en 2007.
Une référence pour les adeptes de la course en solitaire ou en double dans l’univers impitoyable de la régate amateur, pratiquement semi-professionnelle… La preuve : vingt-cinq Sun Fast 3200 prennent le départ de la Transquadra qui s’élance de Lorient (16 juillet) et de Barcelone (12 juillet). Rappelons que cette course, organisée tous les trois ans, est ouverte aux régatiers de plus de quarante ans qui s’affrontent sur l’Atlantique en deux étapes (Madère, Martinique). Gros niveau sur l’eau et grosse préparation obligatoire. La plupart des skippers de la Transquadra se donnent les moyens de bien figurer, notamment sur cet équipement clé : le pilote automatique. Un modèle forcément haut de gamme pour s’affranchir de longues heures de barre sans perdre de terrain face à des concurrents morts de faim, et ce dans toutes les conditions de mer et de vent... C’est pour cette raison que nous avons arrêté notre choix sur trois modèles susceptibles de satisfaire ces amateurs ô combien exigeants. Nous avons opté pour les modèles les plus répandus dans le milieu de la course au large avec une ample diffusion commerciale sur nos côtes : les Britanniques B&G et Raymarine, et le Français NKE. Chaque pilote concerné a fonctionné à l’aide d’un vérin électrique (le T1 de chez Raymarine, leader incontesté du marché) pour garantir à la barre toute sa sensibilité et une bonne vitesse d’exécution tout en s’exonérant d’entretien. Exit le vérin hydraulique (généralement Lecomble & Schmidt ST), certes très fiable mais bruyant, gourmand, et qui alourdit sensiblement la barre quand il est débrayé. Autres éléments communs à tous les modèles : de nombreux capteurs, filaires ou non (comme le mode « wireless » proposé par Raymarine) à l’instar des girouettes anémomètre (« l’aérien »), le speedomètre, le gyrocompas intégré dans la centrale ou non, le capteur d’angle de barre, le GPS… Ce sont en quelque sorte les yeux et les oreilles du pilote qui permettent d’alimenter en information continue le calculateur central. Ce dernier est toujours placé dans un endroit évidemment sec mais aussi exempt de perturbations magnétiques, et de préférence facilement accessible pour le câblage et le démontage. Son rôle est d’analyser, avec plus ou moins de finesse selon le modèle choisi, tous les éléments reçus par les capteurs. Puis de demander à l’unité de puissance les corrections nécessaires, grâce au bras solidaire de la mèche de safran. Enfin, pas de pilote automatique sans pupitre de commandes. Celui-ci doit être installé dans un endroit accessible, à proximité de la barre. Lors de nos tests, les boîtiers de commandes étaient tous montés en redondance. C’est-à-dire situés sur chaque bord ou à plusieurs endroits du voilier (hiloire de cockpit pour tous, descente chez B&G, table à cartes pour les pilotes NKE). Côté montage, pas de panique puisque tous les fabricants proposent désormais un assemblage intégré sur un cordon central (la dorsale électronique). Cette disposition, qui prend le nom de NMEA ou Bus selon les marques et brevets déposés, autorise la mise en réseau de toute l’électronique du bord : des capteurs du voilier vers la centrale pilote.
à son point neutre. Ou l’amplitude des coups de barre demandée à votre vérin pour répondre aux exigences de la centrale pilote, véritable cerveau connecté qui reçoit et traite en temps réel toutes les informations captées à bord (vent, vitesse, position, accélération verticale et horizontale, gîte, dureté de la barre…). Quant au suivi de la consommation, nous étions pourvus de pinces ampèremétriques avec l’intention de mesurer directement à la source le nombre d’ampèresheures. En gros, à la sortie du boîtier de puissance ou du calculateur pilote qui, selon le modèle, envoie l’électricité au vérin. Voilà pour le programme, restait à trouver les trois bateaux adéquats, disponibles aux dates voulues. C’est à La Rochelle que nous avons trouvé notre bonheur, avec la complicité de Laurent Marion (Escale Formation Technique) et de Marc Reine, conseiller technique à la FFV et entraîneur patenté du tout nouveau pôle Transquadra de la SRR (Société des régates rochelaises). Afin d’obtenir une compilation crédible des différentes données issues des pilotes, nous associons une start-up suisse, Anemomind (cf. encadré), spécialisée dans le tracking, à la réalisation de ce comparatif. Grâce à leur Anemobox (boîtier enregistreur) branchée directement à la centrale de navigation, il sera alors possible d’en exporter les data avant de les consolider (voir nos graphiques). Côté terrain de jeu, nous nous contentons d’une zone comprise entre la ouest Minime et le plateau du Lavardin. Au programme du premier jour, des bords de près en mode compas en attendant un vent mieux établi qui finira par rentrer avec l’arrivée d’un petit thermique rafraîchissant en milieu d’après-midi. A condition que le compas électronique du pilote soit bien étalonné sur celui du bord (le bon vieux compas magnétique), positionné loin de toute source générant des parasites (sondeur, radio, capteurs divers…) et à au moins deux mètres
des grosses masses magnétiques telles que le moteur, on notera à vue d’oeil peu de différences de comportement entre les pilotes, ces derniers se calant facilement sur la consigne du gisement demandée. Il faut bien avouer que les conditions clémentes du jour ne permettent pas de mettre les calculateurs à rude épreuve. En attendant mieux, la pince ampèremétrique est de sortie. Nous multiplions les allers-retours entre les différents Sun Fast à l’aide d’un pneumatique gracieusement fourni « avec chauffeur » (merci Etienne) par la SRR pour finaliser nos mesures et apprivoiser les différents modèles de pilotes proposés.
DES TESTS A TOUTES LES ALLURES
Avec la pression qui s’installe sur le plan d’eau rochelais, nous profitons d’une brise sensible pour multiplier les longs bords de près, puis de portant en mode vent. 35° du vent apparent aux allures serrées suivi d’une descente à 140 puis 160° du vent réel sous spi. Pour parfaire ces exercices indispensables à la prise optimale de données nécessaires à notre comparatif, nous organisons le lendemain un véritable parcours banane avec une bouée mouillée à moins d’un mille de la ligne de départ. Avec d’authentiques régatiers sur chaque SF 3200 et l’émulation aidant, nous assistons à de belles joutes nautiques en mode 100% pilote automatique sous l’oeil bienveillant d’un Big Brother moderne : l’Anemobox qui, inlassablement, récupère et traite des centaines d’informations à la minute ! La moisson de chiffres sera à la hauteur de nos espérances et permettra de dégager deux axes d’analyse, l’activité de la barre (qui entraîne forcément de la traînée et de la consommation électrique), et les variations d’angles de vent ou de cap, qui reflètent la précision du pilote par rapport à la consigne.