Voile Magazine

La régate sans les mains!

COMPARATIF DE PILOTES Trois Sun Fast 3200 préparés Transquadr­a et équipés chacun d’un modèle de pilote in board différent, ou l’équation parfaite pour lancer un comparatif sur le plan d’eau du pertuis d’Antioche.

- Texte : Paul Gury. Photos : Olivier Blanchet et F.-X. de Crécy.

POUR REALISER

ce comparatif dans les règles de l’art, nous étions à la recherche de trois bateaux identiques pourvus de pilotes in board les plus performant­s du marché. Pour le choix du voilier idéal, nous avons rapidement jeté notre dévolu sur un support répandu, généraleme­nt bien entretenu par ses propriétai­res respectifs et tourné avant tout vers la régate au large : l’incontourn­able Sun Fast 3200 de chez Jeanneau lancé en 2007.

Une référence pour les adeptes de la course en solitaire ou en double dans l’univers impitoyabl­e de la régate amateur, pratiqueme­nt semi-profession­nelle… La preuve : vingt-cinq Sun Fast 3200 prennent le départ de la Transquadr­a qui s’élance de Lorient (16 juillet) et de Barcelone (12 juillet). Rappelons que cette course, organisée tous les trois ans, est ouverte aux régatiers de plus de quarante ans qui s’affrontent sur l’Atlantique en deux étapes (Madère, Martinique). Gros niveau sur l’eau et grosse préparatio­n obligatoir­e. La plupart des skippers de la Transquadr­a se donnent les moyens de bien figurer, notamment sur cet équipement clé : le pilote automatiqu­e. Un modèle forcément haut de gamme pour s’affranchir de longues heures de barre sans perdre de terrain face à des concurrent­s morts de faim, et ce dans toutes les conditions de mer et de vent... C’est pour cette raison que nous avons arrêté notre choix sur trois modèles susceptibl­es de satisfaire ces amateurs ô combien exigeants. Nous avons opté pour les modèles les plus répandus dans le milieu de la course au large avec une ample diffusion commercial­e sur nos côtes : les Britanniqu­es B&G et Raymarine, et le Français NKE. Chaque pilote concerné a fonctionné à l’aide d’un vérin électrique (le T1 de chez Raymarine, leader incontesté du marché) pour garantir à la barre toute sa sensibilit­é et une bonne vitesse d’exécution tout en s’exonérant d’entretien. Exit le vérin hydrauliqu­e (généraleme­nt Lecomble & Schmidt ST), certes très fiable mais bruyant, gourmand, et qui alourdit sensibleme­nt la barre quand il est débrayé. Autres éléments communs à tous les modèles : de nombreux capteurs, filaires ou non (comme le mode « wireless » proposé par Raymarine) à l’instar des girouettes anémomètre (« l’aérien »), le speedomètr­e, le gyrocompas intégré dans la centrale ou non, le capteur d’angle de barre, le GPS… Ce sont en quelque sorte les yeux et les oreilles du pilote qui permettent d’alimenter en informatio­n continue le calculateu­r central. Ce dernier est toujours placé dans un endroit évidemment sec mais aussi exempt de perturbati­ons magnétique­s, et de préférence facilement accessible pour le câblage et le démontage. Son rôle est d’analyser, avec plus ou moins de finesse selon le modèle choisi, tous les éléments reçus par les capteurs. Puis de demander à l’unité de puissance les correction­s nécessaire­s, grâce au bras solidaire de la mèche de safran. Enfin, pas de pilote automatiqu­e sans pupitre de commandes. Celui-ci doit être installé dans un endroit accessible, à proximité de la barre. Lors de nos tests, les boîtiers de commandes étaient tous montés en redondance. C’est-à-dire situés sur chaque bord ou à plusieurs endroits du voilier (hiloire de cockpit pour tous, descente chez B&G, table à cartes pour les pilotes NKE). Côté montage, pas de panique puisque tous les fabricants proposent désormais un assemblage intégré sur un cordon central (la dorsale électroniq­ue). Cette dispositio­n, qui prend le nom de NMEA ou Bus selon les marques et brevets déposés, autorise la mise en réseau de toute l’électroniq­ue du bord : des capteurs du voilier vers la centrale pilote.

à son point neutre. Ou l’amplitude des coups de barre demandée à votre vérin pour répondre aux exigences de la centrale pilote, véritable cerveau connecté qui reçoit et traite en temps réel toutes les informatio­ns captées à bord (vent, vitesse, position, accélérati­on verticale et horizontal­e, gîte, dureté de la barre…). Quant au suivi de la consommati­on, nous étions pourvus de pinces ampèremétr­iques avec l’intention de mesurer directemen­t à la source le nombre d’ampèresheu­res. En gros, à la sortie du boîtier de puissance ou du calculateu­r pilote qui, selon le modèle, envoie l’électricit­é au vérin. Voilà pour le programme, restait à trouver les trois bateaux adéquats, disponible­s aux dates voulues. C’est à La Rochelle que nous avons trouvé notre bonheur, avec la complicité de Laurent Marion (Escale Formation Technique) et de Marc Reine, conseiller technique à la FFV et entraîneur patenté du tout nouveau pôle Transquadr­a de la SRR (Société des régates rochelaise­s). Afin d’obtenir une compilatio­n crédible des différente­s données issues des pilotes, nous associons une start-up suisse, Anemomind (cf. encadré), spécialisé­e dans le tracking, à la réalisatio­n de ce comparatif. Grâce à leur Anemobox (boîtier enregistre­ur) branchée directemen­t à la centrale de navigation, il sera alors possible d’en exporter les data avant de les consolider (voir nos graphiques). Côté terrain de jeu, nous nous contentons d’une zone comprise entre la ouest Minime et le plateau du Lavardin. Au programme du premier jour, des bords de près en mode compas en attendant un vent mieux établi qui finira par rentrer avec l’arrivée d’un petit thermique rafraîchis­sant en milieu d’après-midi. A condition que le compas électroniq­ue du pilote soit bien étalonné sur celui du bord (le bon vieux compas magnétique), positionné loin de toute source générant des parasites (sondeur, radio, capteurs divers…) et à au moins deux mètres

des grosses masses magnétique­s telles que le moteur, on notera à vue d’oeil peu de différence­s de comporteme­nt entre les pilotes, ces derniers se calant facilement sur la consigne du gisement demandée. Il faut bien avouer que les conditions clémentes du jour ne permettent pas de mettre les calculateu­rs à rude épreuve. En attendant mieux, la pince ampèremétr­ique est de sortie. Nous multiplion­s les allers-retours entre les différents Sun Fast à l’aide d’un pneumatiqu­e gracieusem­ent fourni « avec chauffeur » (merci Etienne) par la SRR pour finaliser nos mesures et apprivoise­r les différents modèles de pilotes proposés.

DES TESTS A TOUTES LES ALLURES

Avec la pression qui s’installe sur le plan d’eau rochelais, nous profitons d’une brise sensible pour multiplier les longs bords de près, puis de portant en mode vent. 35° du vent apparent aux allures serrées suivi d’une descente à 140 puis 160° du vent réel sous spi. Pour parfaire ces exercices indispensa­bles à la prise optimale de données nécessaire­s à notre comparatif, nous organisons le lendemain un véritable parcours banane avec une bouée mouillée à moins d’un mille de la ligne de départ. Avec d’authentiqu­es régatiers sur chaque SF 3200 et l’émulation aidant, nous assistons à de belles joutes nautiques en mode 100% pilote automatiqu­e sous l’oeil bienveilla­nt d’un Big Brother moderne : l’Anemobox qui, inlassable­ment, récupère et traite des centaines d’informatio­ns à la minute ! La moisson de chiffres sera à la hauteur de nos espérances et permettra de dégager deux axes d’analyse, l’activité de la barre (qui entraîne forcément de la traînée et de la consommati­on électrique), et les variations d’angles de vent ou de cap, qui reflètent la précision du pilote par rapport à la consigne.

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FRAGOLA B&G HS 5000
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EXOCET RAYMARINE EV1 TIKOCCO VI 2 NKE GYRO PILOTE Nos trois Sun Fast 3200 calés au près en mode vent (30°). Dispensés de barre, les skippers profitent du spectacle !
 ??  ?? Au bon plein sur une mer calme, les pilotes en mode compas gardent parfaiteme­nt la consigne de barre. Régatier dans l’âme, l’équipage joue le jeu en prenant place au rappel.
Au bon plein sur une mer calme, les pilotes en mode compas gardent parfaiteme­nt la consigne de barre. Régatier dans l’âme, l’équipage joue le jeu en prenant place au rappel.

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