Voile Magazine

« Je suis allé trop loin... »

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Il a triomphé du passage du Nord-Ouest sur sa Louloute, le catamaran non habitable sur lequel il a déjà fait le tour du monde, mais il ne la ramène pas trop, Yvan Bourgnon. Rencontré à Paris à son retour du Groenland, il nous a même avoué qu’il avait eu beaucoup de chance…

Yvan, tu viens de franchir le passage du Nord-Ouest en catamaran de sport. Que peux-tu faire de plus sur ta Louloute ?

Pas grand-chose en effet, je pense que j’arrive à la fin d’un cycle avec Louloute, et plus généraleme­nt avec les records en catamaran de sport. J’ai arrêté la course au large en 2007, poussé vers la sortie par la fin des trimarans ORMA, et j’ai commencé en 2008 une série de navigation­s de plus en plus extrêmes sur des catamarans de sport – notamment en Nacra 20. Le tour du monde et le passage du Nord-Ouest sont l’aboutissem­ent de cette démarche, mais ces deux voyages n’ont pas grand- chose à voir. En deux mois dans le nord, j’ai vécu bien plus de situations extrêmes qu’en un an de tour du monde sur le même bateau. Très franchemen­t, je suis allé trop loin.

Tu es allé trop loin, c’est-à-dire ?

C’est-à-dire que ce n’est pas sérieux de naviguer au taquet pendant trois jours et surtout trois nuits noires d’affilée, en mer de Baffin, avec des glaçons de toutes tailles qui défilent régulièrem­ent le long des coques, de repousser toujours les limites du sommeil alors qu’on va vite et qu’on est environné d’énormes falaises… De prendre 40 noeuds de vent au mouillage et de partir à la côte, sauvé par un glaçon sur lequel le cata est venu s’appuyer… En fin de parcours, j’ai rencontré des conditions démoniaque­s avec des vents fous, accélérés par le relief. J’ai eu 70 noeuds de vent pendant quatre heures, à 12 noeuds à sec de toile malgré le mouillage, l’ancre flottante et tout ce que j’avais pu envoyer dans le sillage pour ralentir. Le bateau partait en survitesse et menaçait de planter, j’avais le couteau à la main, prêt à sacrifier le gréement pour ne pas sancir.

C’est ton pire souvenir ?

Le pire, dans le passage du NordOuest, ce ne sont pas ces moments de combat intense, c’est la glace. Celle qui se forme sur ta route, qui ouvre un passage, le referme… Non seulement c’est dangereux, mais on n’a aucune prise la-dessus, aucune stratégie à proposer. On temporise, on attend comme savent le faire les montagnard­s – j’ai beaucoup pensé à mon ami Jean Troillet. Ce n’était pas dans ma nature, j’ai appris à le faire.

Quels sont tes projets pour les mois et les années à venir ?

Le projet qui va le plus m’occuper, c’est le Sea Cleaner, le quadrimara­n géant ( 70 m de long pour 49 de large, ndlr) dédié à la dépollutio­n océanique sur lequel je travaille avec l’architecte Stéphane Vallet et tout une équipe qui se met en place à Vannes. A moyen terme, je reviendrai sûrement à la course au large, je suis d’un oeil très attentif la tentative de tour du monde à l’envers d’Yves Le Blevec sur Actual. Je pense aussi au Multi 50, et j’ai également en ligne de mire le Vendée Globe. Pas 2020, c’est trop tôt pour moi, mais 2024, oui, j’y pense sérieuseme­nt.

 ??  ?? Délivrance pour Yvan qui est arrivé au Groenland, le 22 septembre. Il avait quitté l’Alaska deux mois plus tôt.
Délivrance pour Yvan qui est arrivé au Groenland, le 22 septembre. Il avait quitté l’Alaska deux mois plus tôt.
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